Page:Las Cases - Mémorial de Sainte-Hélène, 1842, Tome I.djvu/334

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profiter de sa bataille de Loano ; depuis on était peu satisfait de sa conduite. On voyait à son quartier-général de Nice beaucoup plus d’employés que de militaires. Ce général demandait de l’argent pour solder ses troupes et réorganiser les différents services ; il demandait des chevaux pour remplacer les siens qu’on avait laissés périr faute de subsistance : le gouvernement ne pouvait donner ni l’un ni l’autre ; on lui fit des réponses dilatoires ; on l’amusa par de vaines promesses. Il fit connaître alors que si l’on tardait davantage, il serait obligé d’évacuer la rivière de Gênes, de revenir sur la Roya, et peut-être même de repasser le Var. Le Directoire résolut de le remplacer.

Un jeune général de vingt-cinq ans ne pouvait rester plus longtemps à la tête de l’armée de l’intérieur. Le sentiment de ses talents et la confiance que l’armée d’Italie avait en lui le désignaient comme seul capable de la tirer de la fâcheuse situation où elle se trouvait. Les conférences qu’il eut avec le Directoire à ce sujet, et les projets qu’il lui présenta ne laissèrent plus aucun doute. Il partit pour Nice, et le général Hatri, âgé de soixante ans, vint de l’armée de Sambre-et-Meuse le remplacer à l’armée de l’intérieur, laquelle avait perdu son importance, depuis que la crise des subsistances était passée et que le gouvernement se trouvait assis.


Bataille de Montenotte. — Depuis l’arrivée du général en chef à Nice, le 28 mars 1796, jusqu’à l’armistice de Cherasque, le 28 avril suivant : espace d’un mois.


I. Plan de campagne pour entrer en Italie en tournant les Alpes. — Le roi de Sardaigne, que sa position géographique et militaire a fait appeler le portier des Alpes, avait en 1796 des forteresses à l’issue de toutes les gorges qui conduisent en Piémont. Si l’on eût voulu pénétrer en Italie, en forçant les Alpes, il eut fallu s’emparer de ces forteresses ; or, les routes ne permettaient pas le transport de l’artillerie de siège : d’ailleurs les montagnes sont couvertes de neige les trois quarts de l’année ; ce qui ne laisse que très peu de temps pour le siège de ces places. On conçut l’idée de tourner les Alpes, et d’entrer en Italie précisément au point où cessent ces hautes montagnes, et où les Apennins commencent. Le Saint-Gothard est le col le plus élevé des Alpes. À partir de ce col, les autres vont toujours en baissant. Ainsi le Saint-Gothard est plus haut que le Brenner ; celui-ci, que les montagnes de Cadore ; les montagnes de Cadore, que le col de Tarvis et les montagnes de la Carniole. De l’autre côté, le Saint-Gothard est plus haut que le Simplon ; le Simplon plus haut que le Saint-Bernard ; le Saint-Bernard plus haut que le Mont-Cénis ; le Mont-Cénis