Page:Las Cases - Mémorial de Sainte-Hélène, 1842, Tome I.djvu/358

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guère, disait-il, de plus de quatre heures ; c’était celle du prisonnier qu’on tire chaque jour de son cachot pour le laisser respirer un peu. Mais que de pensées dans son long intérieur ! que de travaux même ! Et, au sujet du travail, l’Empereur disait qu’il se trouvait aussi fort qu’il l’avait jamais été ; qu’il ne se sentait ni flétri ni usé en quoi que ce fût ; qu’il s’étonnait lui-même du peu d’effet sur lui des grands évènements dont il avait été dernièrement l’objet. C’était du plomb, disait-il, qui avait glissé sur le marbre ; le poids avait pu comprimer le ressort, mais n’avait pu le briser : il s’était relevé avec toute son élasticité. L’Empereur ajoutait n’imaginer personne au monde qui eût mieux plié que lui sous la nécessité sans remède ; et c’est là, disait-il, le véritable empire de la raison, le vrai triomphe de l’âme.

L’heure de la calèche est arrivée. En allant la joindre, l’Empereur a aperçu la petite Hortense, la fille de madame Bertrand, qui lui plaît beaucoup. Il l’a fait venir, l’a embrassée tendrement deux ou trois fois, et a voulu la prendre en voiture avec le petit Tristan de Montholon. Durant la course, le grand maréchal, qui venait de parcourir les journaux arrivés, racontait divers bons mots et caricatures qu’il y avait trouvés. Il nous en citait une assez piquante. Deux actions composaient le tableau : l’une était Napoléon donnant à la princesse d’Hatzfeld, pour la jeter au feu, la lettre dont la disparition sauvait son mari. Au bas était : Acte