Aller au contenu

Page:Las Cases - Mémorial de Sainte-Hélène, 1842, Tome I.djvu/384

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ciennement sous le titre de Commission des Pétitions, approchait infiniment de son idée actuelle, et faisait en effet beaucoup de bien. J’en avais été président lors du retour de l’île d’Elbe ; et, dans le premier mois, j’avais déjà fait droit à plus de quatre mille pétitions.

« Il est vrai, lui disais-je, que les circonstances d’abord, et l’habitude ensuite, n’avaient jamais permis à cet établissement de jouir de la plus précieuse prérogative dont il avait doté sa création ; celle qui aurait produit sans doute le plus d’effet sur l’opinion, savoir, de lui présenter officiellement, à sa grande audience du dimanche, le résultat du travail de toute la semaine. » Mais la nature des choses, les constantes expéditions de l’Empereur, et surtout la jalousie des ministres, tout avait concouru à dépouiller cette commission de ce beau privilège.

L’Empereur était fâché aussi, disait-il, de n’avoir point établi, par l’étiquette du palais, que toutes les personnes présentées, les femmes surtout, qui pourraient prétendre à obtenir de lui une audience, arriveraient de plein droit au salon de service. L’Empereur, le traversant plusieurs fois dans la journée, eût pu satisfaire en passant à quelques-unes de leurs demandes, et se fût épargné de la sorte le refus de ces audiences ou la perte du temps qu’elles lui causaient.

L’Empereur avait balancé quelque temps, disait-il, à rétablir le grand couvert de nos rois, c’est-à-dire le dîner en public, chaque dimanche, de toute la famille impériale. Il nous a demandé notre avis ; nous différions : les uns l’approuvaient, présentaient ce spectacle de famille comme fort moral pour le public, et propre à produire le meilleur effet sur son esprit ; c’était d’ailleurs, disaient-ils, un moyen pour chaque individu de voir son souverain : d’autres le combattaient, objectant qu’il y avait dans cette cérémonie quelque chose d’idole et de féodal, de badauderie et de servilité, qui n’était plus dans nos mœurs ni dans leur dignité moderne. On pouvait bien aller voir le souverain à l’église ou au spectacle ; là, on concourait du moins à ses actes religieux ou l’on prenait part à ses plaisirs ; mais aller le voir manger, c’était se donner un ridicule mutuel : la souveraineté, devenue, ainsi que l’avait si bien dit l’Empereur, une magistrature, ne devait se montrer qu’en pleine activité : accordant des grâces, réparant des torts, expédiant des affaires, passant des revues, mais surtout dépouillée des infirmités ou des besoins de l’homme, etc. Son utilité, ses bienfaits devaient être son nouveau prestige : l’apparition du souverain devait être de tous les instants et inattendue, comme la Providence ; telle était l’école nouvelle ! telle avait été la nôtre.

« Eh bien ! disait l’Empereur, il est peut-être vrai que les circonstances