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Page:Las Cases - Mémorial de Sainte-Hélène, 1842, Tome I.djvu/387

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Au retour, l’Empereur a déjeuné à l’ombre ; il nous a retenus tous.

Avant et après le déjeuner, l’Empereur a causé avec moi seul, à l’écart, d’objets sérieux, et que je ne puis confier au papier…

La chaleur était devenue forte, il s’est retiré. Il était quatre heures et demie quand il m’a fait appeler ; sa toilette se finissait. Le docteur lui a apporté un jeu d’échecs qu’il avait été acheter à bord des bâtiments chinois ; l’Empereur en avait désiré un. Celui-ci avait été payé trente napoléons ; il était l’objet de l’admiration du pauvre docteur, et rien ne paraissait plus ridicule à l’Empereur : toutes les pièces, au lieu de ressembler aux nôtres, étaient de grosses et lourdes images de leurs noms ; ainsi un cavalier y était armé de toutes pièces, et la tour reposait sur un énorme éléphant, etc. L’Empereur n’a pu s’en servir, disant plaisamment qu’il lui faudrait une grue pour faire mouvoir chaque pièce.

Cependant autour du jardin rôdaient encore beaucoup d’officiers ou des employés des bâtiments de la Chine. Leur curiosité, quelques heures auparavant, les avait portés à pénétrer chez nous ; nous avions été littéralement envahis dans nos chambres. L’un disait que l’orgueil de sa vie serait d’avoir vu Napoléon ; l’autre, qu’il n’oserait pas se présenter devant sa femme, en Angleterre, s’il ne pouvait lui dire qu’il avait été assez heureux pour apercevoir ses traits ; l’autre, qu’il abandonnerait tous les bénéfices de son voyage pour un seul coup d’œil, etc.

L’Empereur les a fait approcher ; il serait difficile de rendre leur satisfaction et leur joie ; ils n’avaient pas osé autant prétendre ni espérer. L’Empereur leur a fait, suivant son usage, de nombreuses questions sur la Chine, son commerce, ses habitants ; leurs rapports, leurs mœurs,