Page:Las Cases - Mémorial de Sainte-Hélène, 1842, Tome I.djvu/490

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pas là un évêque français, c’est un mage de l’Orient, adorateur du soleil qui s’élève. »

Toutefois, à ses efforts pour prouver que nous avons été les injustes agresseurs dans la querelle de Russie, je vais opposer ce qui suit :

L’Empereur, parlant de cette guerre, disait : « Il n’est point de petits événements pour les nations et les souverains : ce sont eux qui gouvernent leurs destinées. Depuis quelque temps il s’était élevé de la mésintelligence entre la France et la Russie.

« La France reprochait à la Russie la violation du système continental.

« La Russie exigeait une indemnité pour le duc d’Oldembourg, et élevait d’autres prétentions.

« Des rassemblements russes s’approchaient du duché de Varsovie ; une au nord de l’Allemagne. Cependant on était encore loin d’être décidé à la guerre, lorsque tout à coup une nouvelle armée russe se met en marche vers le duché, et une note insolente est présentée à Paris comme ultimatum par l’ambassadeur russe, qui, au défaut de son acceptation, menace de quitter Paris sous huit jours.

« Je crus alors la guerre déclarée. Depuis longtemps je n’étais plus accoutumé à un pareil ton. Je n’étais pas dans l’habitude de me laisser prévenir ; je pouvais marcher à la Russie à la tête du reste de l’Europe. L’entreprise était populaire, la cause était européenne. C’était le dernier effort qui restait à faire à la France ; ses destinées, celles du nouveau système européen, étaient au bout de la lutte. La Russie était la dernière ressource de l’Angleterre. La paix du globe était en Russie, et le succès ne devait point être douteux. Je partis : toutefois, arrivé à la frontière, moi à qui la Russie avait déclaré la guerre en retirant son ambassadeur, je crus devoir envoyer le mien (Lauriston) à l’empereur Alexandre, à Wilna. Il fut refusé, et la guerre commença.

« Cependant, qui le croirait ! Alexandre et moi nous étions tous les deux, continuait l’Empereur, dans l’attitude de deux bravaches, qui, sans avoir envie de se battre, cherchent à s’effrayer mutuellement. Volontiers je n’eusse pas fait la guerre ; j’étais entouré, encombré de circonstances inopportunes, et tout ce que j’ai appris depuis m’assure qu’Alexandre en avait bien moins envie encore.

« M. de Romanzof, qui avait conservé des relations à Paris, et qui, plus tard, au moment des échecs éprouvés par les Russes, fut fort maltraité par Alexandre pour la résolution qu’il lui avait fait prendre,