Page:Las Cases - Mémorial de Sainte-Hélène, 1842, Tome I.djvu/610

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Une autre fois, ajoutait-il, il avait été noyé assez longtemps. C’était en 1786, à Auxonne, sa garnison. Étant à nager et seul, il avait perdu connaissance, coulé, obéi au courant ; il avait senti fort bien la vie lui échapper ; il avait même entendu, sur les bords, des camarades annoncer qu’il était noyé, et dire qu’ils couraient chercher des bateaux pour reprendre son corps. Dans cet état, un choc le rendit à la vie ; c’était un banc de sable contre lequel frappa sa poitrine : sa tête se trouvant merveilleusement hors de l’eau, il en sortit lui-même, vomit beaucoup, rejoignit ses vêtements, et avait atteint son logis qu’on cherchait encore son corps.

Une autre fois, à Marly, à la chasse du sanglier, tout l’équipage étant en fuite, en véritable déroute d’armée, disait l’Empereur, il tint bon avec Soult et Berthier contre trois énormes sangliers qui les chargeaient à bout portant. « Nous les tuâmes raides tous les trois, disait-il ; mais je fus touché par le mien, et j’ai failli en perdre le doigt que voilà. » En effet, la dernière phalange de l’avant-dernier doigt de la main gauche portait une forte blessure. Mais le risible, disait l’Empereur, c’était de voir la multitude, entourée de tous les chiens et se cachant derrière les trois héros, crier à tue-tête : « À l’Empereur ! sauvez l’Empereur ! à l’Empereur !!! Mais pourtant personne n’avançait etc., etc. »