Page:Las Cases - Mémorial de Sainte-Hélène, 1842, Tome I.djvu/615

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secrète satisfaction intérieure qu’il s’y voyait irrésistiblement amené par la force des choses : être en Angleterre, c’était ne pas être éloigné de la France. Il savait bien qu’il n’y serait pas libre, mais il espérait être entendu ; et alors que de chances s’ouvraient à la nouvelle direction qu’il pourrait imprimer ! « Les ministres anglais, ennemis de leur patrie ou vendus à l’étranger, disait-il, ont trouvé ma seule personne encore trop redoutable. Ils ont pensé que ma seule opinion dans Londres eût été plus que l’opposition tout entière, qu’il leur eût fallu changer de système ou quitter leurs places ; et, plutôt que de céder à un changement et pour conserver leurs places, ils ont lâchement sacrifié les vrais intérêts de leur pays, le triomphe, la gloire de ses lois, la paix du monde, le bonheur de l’Europe, la prospérité, les bénédictions de l’avenir. »

Le soir, l’Empereur s’est trouvé revenir de nouveau sur les indécisions qu’il avait éprouvées avant de prendre un parti décisif après Waterloo.

Son discours à ses ministres, en agitant l’abdication, fut la prophétie littérale de ce que nous avons vu depuis. Carnot fut le seul qui sembla le comprendre. Il combattit cette abdication, qui, selon lui, était le coup de mort de la patrie ; il voulait qu’on se défendît jusqu’à extinction, en désespérés. Il fut le seul de son avis ; tout le reste opina pour l’abdication. Elle fut résolue, et alors Carnot, s’appuyant la tête de ses deux mains, se mit à fondre en larmes.