Page:Las Cases - Mémorial de Sainte-Hélène, 1842, Tome I.djvu/620

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isolement, qui les préserve des irruptions et du mélange perpétuel qu’éprouve le continent ; que les habitants des montagnes ont une énergie de caractère et une trempe d’âme qui leur est toute particulière. Il s’arrêtait sur les charmes de la terre natale : tout y était meilleur, disait-il ; il n’était pas jusqu’à l’odeur du sol même ; elle lui eût suffi pour le deviner les yeux fermés ; il ne l’avait retrouvée nulle part. Il s’y voyait dans ses premières années, à ses premières amours ; il s’y trouvait dans sa jeunesse, au milieu des précipices, franchissant les sommets élevés, les vallées profondes, les gorges étroites ; recevant les honneurs et les plaisirs de l’hospitalité ; parcourant la ligne des parents dont les querelles et les vengeances s’étendaient jusqu’au septième degré. Une fille, disait-il, voyait entrer dans la valeur de sa dot le nombre de ses cousins. Il se rappelait avec orgueil que n’ayant que vingt ans, il avait fait partie d’une grande excursion de Paoli à Porte di Nuovo. Son cortège était nombreux ; plus de cinq cents des siens l’accompagnaient à cheval ; Napoléon marchait à ses côtés ; Paoli lui expliquait, chemin faisant, les positions, les lieux de résistance ou de triomphe de la guerre de la liberté. Il lui détaillait cette lutte glorieuse ; et sur les observations de son jeune