Page:Las Cases - Mémorial de Sainte-Hélène, 1842, Tome I.djvu/70

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les coups de fouet qui devaient être le châtiment de sa faute ; il avait essayé plusieurs fois, dans la soirée, de se jeter à la mer ; dans une dernière tentative il réussit à s’y précipiter ; mais il s’en repentit aussitôt, car il poussait de grands cris ; il nageait très bien ; cependant un canot le chercha vainement longtemps : il fut perdu.

Le cri d’un homme à la mer a toujours, à bord d’un vaisseau, quelque chose qui saisit ; tout l’équipage ému se transporte et s’agite en tout sens ; le bruit est grand, le mouvement universel. Comme, dans cette circonstance, je me rendais dessus le pont à la chambre commune, par la porte qui conduisait vers l’Empereur, un midshipman (aspirant), de dix ou douze ans, d’une figure tout à fait intéressante, qui croyait que j’allais trouver l’Empereur, m’arrêta par l’habit, et, avec l’accent du plus tendre intérêt : « Ah ! Monsieur, me dit-il, n’allez pas l’effrayer ! Dites-lui bien au moins que tout ce bruit n’est rien, que ce n’est qu’un homme à la mer. » Bon et innocent enfant qui rendait bien plus ses sentiments que sa pensée.