Page:Las Cases - Mémorial de Sainte-Hélène, 1842, Tome I.djvu/706

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m’ait donné une sérieuse bonne opinion de sa nation ; puis Fox, et je pourrais encore ajouter ici au besoin l’amiral d’aujourd’hui (Malcolm).

« Cornwalis, disait-il, était dans toute l’étendue du terme un digne, brave et honnête homme. Lors du traite d’Amiens, et l’affaire convenue, il avait promis de signer le lendemain à une certaine heure : quelque empêchement majeur le retint chez lui ; mais il envoya sa parole. Le soir même un courrier de Londres vint lui interdire certains articles ; il répondit qu’il avait signé, et vint apposer sa signature. Nous nous entendions à merveille ; je lui avais livré un régiment qu’il s’amusait fort à faire manœuvrer. En tout j’en ai conservé un agréable souvenir, et il est certain qu’une demande de lui eût eu plus d’empire sur moi peut-être que celle d’un souverain. Sa famille a paru le deviner ; on m’a fait quelquefois des demandes en son nom, elles ont toutes été satisfaites.

« Fox vint en France immédiatement après le traité d’Amiens. Il s’occupait d’une histoire des Stuart, et me fit demander à fouiller dans nos archives diplomatiques, j’ordonnai que tout fût mis à sa disposition. Je le recevais souvent ; la renommée m’avait entretenu de ses talents ; je reconnus bientôt en lui une belle âme, un bon cœur, des vues larges, généreuses, libérales, un ornement de l’humanité : je l’aimais. Nous causions souvent, et sans nul préjugé, sur une foule d’objets ; quand je voulais l’asticoter, je le ramenais sur la machine infernale ; je lui disais que ses ministres avaient voulu m’assassiner ; il me combattait alors avec chaleur, et finissait toujours en me disant dans son mauvais français : Premier Consul, ôtez-vous donc cela de votre tête. Mais il n’était pas convaincu sans doute de la bonté de sa cause, et il est à croire qu’il s’escrimait bien plus en défense de l’honneur de son pays qu’en défense de la moralité des ministres. »

L’Empereur a terminé disant : « Il suffirait d’une demi-douzaine de Fox et de Cornwalis pour faire la fortune morale d’une nation… . . . . . Avec de telles gens, je me serais toujours entendu ; nous eussions été bientôt d’accord. Non seulement nous aurions eu la paix avec une nation foncièrement très estimable, mais encore nous aurions fait ensemble de très bonne besogne. »


Caractères – Bailli, La Fayette, Monge, Grégoire, etc. – Saint-Domingue – Système à suivre – Lacretelle.


Mardi 11 au mercredi 12.

Nous avions eu trois jours d’un temps affreux, l’Empereur a profité d’un instant de beau pour monter en calèche. Il venait de lire l’his-