Page:Las Cases - Mémorial de Sainte-Hélène, 1842, Tome I.djvu/712

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« Il ne cessait de me demander une femme de ma main. Il m’écrivait spontanément pour me complimenter toutes les fois qu’il m’arrivait quelque chose d’heureux. Il avait donné des proclamations aux Espagnols pour qu’ils se soumissent ; il avait reconnu Joseph ; choses qu’on eût pu regarder comme forcées peut-être ; mais il lui demandait son grand cordon : il m’offrait don Carlos, son frère, pour commander les régiments espagnols qui allaient en Russie, choses auxquelles il n’était nullement obligé. Enfin il me sollicitait vivement de le laisser venir à ma cour à Paris, et si je ne me suis pas prêté à un spectacle qui eût frappé l’Europe, et lui eût prouvé par là tout l’affermissement de ma puissance, c’est que la gravité des circonstances qui m’appelaient au-dehors, et mes fréquentes absences de la capitale ne m’en ont pas laissé l’occasion. »

Vers un commencement d’année, à un lever de l’Empereur, je me trouvais le voisin du chambellan comte d’Arberg, faisant le service à Valencey près des princes d’Espagne. Arrivé à lui, l’Empereur demanda comment se conduisaient ces princes, s’ils étaient sages ; et puis il ajouta : « Vous m’avez apporté une bien jolie lettre : entre nous, c’est vous qui la leur aurez faite ? » D’Arberg l’assura qu’il ignorait même l’objet de son contenu. « Eh bien ! dit l’Empereur, elle est charmante ; un fils n’écrirait pas autrement à son père. »