Page:Las Cases - Mémorial de Sainte-Hélène, 1842, Tome I.djvu/731

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à Erfurt, il n’avait pas plus tôt le dos tourné que je m’égayais fort d’ordinaire à son sujet. Alexandre est fort susceptible, ils l’auront facilement aigri. Ce qu’il y a de certain, c’est qu’il s’en est plaint amèrement à Vienne lors du congrès, et pourtant rien n’était plus faux, il me plaisait et je l’aimais. »

Un aide de camp de Napoléon fut envoyé, aussitôt après le traité de Tilsit, auprès d’Alexandre, à Pétersbourg ; il y fut comblé de bons traitements, et ne tarit pas sur les efforts et la galanterie d’Alexandre pour se rendre agréable à son nouvel allié.

Ce même aide de camp devint plus tard ministre de la police, et en 1814, peu de temps après la restauration, il fit, assure-t-on, une citation heureuse au sujet de sa mission en Russie. Lui étant demandé un jour, aux Tuileries, avec une sorte d’abandon tout à fait naïf, par quelqu’un très avant dans la confiance du roi : « À présent que tout est fini, vous pouvez tout dire ; apprenez-nous quel était votre agent à Hartwell (c’était, comme l’on sait, la demeure de Louis XVIII en Angleterre). L’interpellé, surpris du peu de goût de la question, répondit avec dignité : Monsieur le comte, l’Empereur regardait l’asile des rois comme un sanctuaire inviolable, et nous l’observions. On nous a fait connaître aujourd’hui qu’on n’en agissait pas de même à son égard. Mais vous, Monsieur le comte, vous devriez avoir moins de doute qu’un autre. Quand j’arrivai à Pétersbourg, vous y étiez au nom du roi. L’empereur Alexandre, dans la première chaleur de sa réconciliation, me donna connaissance de tout ce qui vous concernait, et demanda si l’on voulait qu’il vous fît sortir de ses États. Je n’avais point d’ordres ; j’écrivis pour prendre ceux de l’Empereur. Sa réponse fut, courrier par courrier, qu’il lui suffisait de l’amitié sincère d’Alexandre ; que jamais il n’entrerait dans ses autres rapports particuliers ; qu’il n’avait pas de haine personnelle contre les Bourbons ; que, s’il croyait même qu’il leur fût possible de l’accepter, il leur offrirait un asile en France, et tel château royal qui leur serait agréable. Si vous ignorâtes alors cette lettre, continua le duc de Rovigo, faites-la chercher aujourd’hui, vous la trouverez sans doute dans les cartons des relations extérieures. »


Arrivée des commissaires étrangers – Étiquette forcée de Napoléon, anecdotes – Conseil d’État ; détails du local ; habitudes – Citations de quelques séances ; digression – Gassendi. Les régiments croates – Ambassadeurs – Bans de la garde nationale, l’Université, etc., etc..


Lundi 17.

L’Empereur est sorti de bonne heure. Il a demandé la calèche pour faire un tour avant déjeuner. Au moment de monter, on est venu nous dire que la frégate le Newcastle et la frégate l’Oronte