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Page:Las Cases - Mémorial de Sainte-Hélène, 1842, Tome I.djvu/74

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calendrier ; l’enfant répondit avec vivacité que ce ne saurait être une raison, puisqu’il y avait une foule de saints, et seulement trois cent soixante-cinq jours.

Napoléon n’avait jamais connu de jour de fête avant le concordat : son patron était en effet étranger au calendrier français, sa date même partout incertaine ; ce fut une galanterie du pape qui la fixa au 15 d’août, tout à la fois jour de la naissance de l’Empereur et de la signature du concordat.

(Dictée de Napoléon). « En 1783, Napoléon fut un de ceux que le concours d’usage désigna à Brienne pour aller achever son éducation à l’École militaire de Paris. Le choix était fait annuellement par un inspecteur qui parcourait les douze écoles militaires ; cet emploi était rempli par le chevalier de Keralio, officier général, auteur d’une tactique, et qui avait été le précepteur du présent roi de Bavière, dans son enfance duc des Deux-Ponts : c’était un vieillard aimable, des plus propres à cette fonction ; il aimait les enfants, jouait avec eux après les avoir examinés, et retenait avec lui, à la table des Minimes, ceux qui lui avaient plu davantage. Il avait pris une affection toute particulière pour le jeune Napoléon, qu’il se plaisait à exciter de toutes manières ; il le nomma pour se rendre à Paris, bien qu’il n’eût peut-être pas l’âge requis. L’enfant n’était fort que sur les mathématiques, et les moines représentèrent qu’il serait mieux d’attendre à l’année suivante, qu’il aurait ainsi le temps de se fortifier sur tout le reste, ce que ne voulut pas écouter le chevalier de Keralio, disant : « Je sais ce que je fais ; si je passe par-dessus la règle, ce n’est point ici une faveur de famille, je ne connais pas celle de cet enfant ; c’est tout à cause de lui-même : j’aperçois ici une étincelle qu’on ne saurait trop cultiver. » Le bon chevalier mourut presque aussitôt ; mais celui qui vint après y M. de Régnaud, qui n’aurait peut-être pas eu sa perspicacité, exécuta néanmoins les notes qu’il trouva, et le jeune Napoléon fut envoyé à Paris.

Tout annonçait en lui, dès lors, des qualités supérieures, un caractère prononcé, des méditations profondes, des conceptions fortes. Il paraît que, dès sa plus tendre jeunesse, ses parents avaient fondé sur lui toutes leurs espérances : son père, expirant à Montpellier, bien que Joseph fût auprès de lui, ne rêvait dans son délire qu’après Napoléon, qui était au loin à son école : il l’appelait sans cesse pour qu’il vînt à son secours avec sa grande épée. Plus tard le vieil oncle Lucien, au lit de mort, entouré d’eux tous, disait à Joseph : « Tu es l’aîné de la famille, mais en voilà le chef, montrant Napoléon ; ne l’oublie jamais. » – « C’é-