Page:Las Cases - Mémorial de Sainte-Hélène, 1842, Tome I.djvu/746

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serve ! on me les voit pratiquer autant que nos circonstances extraordinaires me permettent ; mais je veux dire que le peuple ne les comprend pas encore, au lieu qu’il me comprend tout à fait, et s’en fie à moi. Croyez donc qu’il fera toujours ce que nous réglerons pour son bien. Ne vous en laissez pas surtout imposer par l’opposition que vous mentionnez : elle n’existe que dans les salons de Paris, nullement dans la nation ; et, dans le projet qui nous occupe en cet instant, je n’ai nulle vue ultérieure au-dehors, je le déclare ; je ne pense qu’à la sûreté, au repos, à la stabilité de la France au-dedans. Poursuivez donc les bans de la garde nationale ; que chaque citoyen connaisse son poste au besoin ; que M. Cambacérès, que voilà, soit dans le cas de prendre son fusil si le danger le requiert, et alors vous aurez vraiment une nation maçonnée à chaux et à sable, capable de défier les siècles et les hommes. Je relèverai, du reste, cette garde nationale à l’égal de la ligne ; les vieux officiers retirés en seront les chefs et les pères ; j’en ferai solliciter les grades à l’égal des faveurs de la cour, etc., etc. ».

On doit retrouver tout cela dans les registres de M. Locré, partie au sujet des bans de la garde nationale, partie encore, autant que je puis me le rappeler, au sujet d’une des conscriptions annuelles. Je me souviens aussi qu’il fut particulièrement question, un jour, de l’Université. L’Empereur se fâchait sur le peu de progrès et la mauvaise direction de sa marche. M. de Ségur fut chargé de présenter un rapport à ce sujet, et le fit avec sa franchise et sa loyauté accoutumées. Il abordait franchement la question, trouvait que la création de l’Empereur était mal comprise, mal exécutée ; que la science ne devait y être que secondaire ; que les principes et la doctrine nationale devaient y passer avant tout, et que c’était pourtant ce dont on semblait s’y occuper le moins.

L’Empereur ne se trouvait pas à la séance. Une telle sortie déplut sans doute aux amis du principal intéressé. Nous avions le tort de sacrifier beaucoup à l’esprit de coteries. Ce rapport ne reparut jamais ; on le retira de nos cartons, et l’on y mit même assez d’importance pour le redemander à ceux de nous qui l’avaient emporté chez eux.

Toutefois, à quelque temps de là, les grands dignitaires de l’Université furent mandés à la barre du Conseil. L’Empereur se fâcha, parla de la mauvaise organisation, du mauvais esprit qui semblait présider à cette institution importante, dit qu’on gâtait toutes ses idées, qu’on n’exécutait jamais bien ses intentions. Le grand maître courba devant l’orage, et n’en continua pas moins son train accoutumé ; et l’Empereur dit qu’à