Page:Las Cases - Mémorial de Sainte-Hélène, 1842, Tome I.djvu/747

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son retour de l’île d’Elbe on l’a assuré que ce même grand maître de l’Université s’était vanté, auprès du gouvernement qui succédait, d’avoir gêné, dénaturé, autant qu’il avait été en son pouvoir, l’impulsion que Napoléon avait prétendu imprimer aux générations qui s’élevaient.


Souvenirs de Waterloo.


Mardi 18.

L’Empereur m’avait fait appeler dans son cabinet avant le dîner : il était occupé à lire les journaux de France qui venaient d’arriver.

« Un soin tout particulier, disait-il, semblait en cet instant animer les Bourbons en France, celui de déterrer les morts. Quelques vestiges retrouvés, réels ou supposés, étaient pour eux une grande affaire ; c’était là, avec des créations de moines, les triomphes nouveaux dont ils illustreraient désormais la nation. »

« Il est sûr, ajoutait l’Empereur, qu’ils vont faire tout leur possible pour encapuciner cette pauvre France ; ils vont la couvrir de moines et de prêtres, bien plus par hypocrisie que par ferveur, tant ils sont persuadés et tant il est vrai que le trône et l’autel sont des alliés naturels, indispensables pour enchaîner le peuple et l’abrutir… » Puis il a repris « Ô nations ! avec votre sagesse, quelles sont pourtant vos destinées ! Vous êtes en masse le jouet des passions et du caprice comme on pourrait l’être des vents et de la mode… De mon temps, on n’a entendu que guerres, batailles, bulletins ; aujourd’hui, ce ne sont que prières, cloches et sermons… Toutes mes casernes peuvent se transformer en séminaires, et peut-être une conscription d’abbés remplacera notre conscription de soldats, etc. »

Après dîner, en résumant les papiers déjà lus, l’Empereur remarquait que l’agitation et l’incertitude continuaient à régner en France ; il faisait observer que les derniers papiers anglais s’exprimaient avec la dernière indécence sur la famille royale… Plus tard, un autre article l’a porté à dire : « Les circonstances actuelles, les besoins du moment et une sympathie d’ancienne date concourent extrêmement à favoriser le retour des moines en France : cela doit y être caractéristique comme chez le pape. » Et s’arrêtant sur celui-ci, il concluait : « Encore pour lui, du moins, est-ce son affaire spéciale, et qui peut lui redonner une force réelle. Croirait-on bien que, prisonnier à Fontainebleau, et lorsqu’il s’agissait de savoir s’il existerait lui-même, il discutait sérieusement avec moi l’existence des moines, et prétendait m’amener à les rétablir !… C’est bien là de la cour de Rome !… etc., etc. ».

C’était aujourd’hui l’anniversaire de la bataille de Waterloo. Le sou-