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Page:Las Cases - Mémorial de Sainte-Hélène, 1842, Tome I.djvu/802

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Dans la fable du Loup et de l’Agneau, rien n’était plus risible comme de voir le petit bonhomme dire Sire et Votre Majesté, et en parlant du loup, et en parlant de l’Empereur, mêler à tort et à travers tout cela dans sa bouche, et bien plus encore probablement dans sa tête.

L’Empereur trouvait qu’il y avait beaucoup trop d’ironie dans cette fable pour être à la portée des enfants. Elle péchait d’ailleurs, disait-il dans son principe et sa morale, et c’était la première fois qu’il s’en sentait frappé. Il était faux que la raison du plus fort lût la meilleure ; et, si cela arrivait en effet, c’était là le mal, disait-il, l’abus qu’il s’agissait de condamner. Le loup donc eût dû s’étrangler en croquant l’agneau, etc., etc.

Tristan est fort paresseux. Il avouait à l’Empereur qu’il ne travaillait pas tous les jours. « Ne manges-tu pas tous les jours ? disait l’Empereur. – Oui, Sire. – Eh bien ! tu dois travailler tous les jours, car on ne doit point manger si l’on ne travaille pas. – Oh bien ! en ce cas, je travaillerai tous les jours, disait vivement l’enfant. – Voilà bien l’influence du petit ventre, disait l’Empereur en lapant sur celui de Tristan ; c’est la faim, c’est le petit ventre qui fait mouvoir le monde. Allons, mon petit, si tu es sage, nous te ferons page de