Page:Las Cases - Mémorial de Sainte-Hélène, 1842, Tome I.djvu/812

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point aussi important. J’ordonnai des commissions, je fis discuter devant moi, je me rendis maître de l’état des lieux, et je prononçai que l’exhaussement de la digue serait repris en toute hâte et à toute force ; que les deux extrémités recevraient avec le temps deux massifs de fortification ; mais que dès cet instant même on allait se mettre en mesure d’établir au centre une batterie provisoire considérable. Alors commencèrent de tous côtés les inconvénients, les objections, les vues particulières, l’amour-propre des opinions privées, etc., etc. Cela ne se pouvait absolument pas, prétendaient plusieurs ; je n’en tins pas compte, j’insistai, je voulus, et cela fut fait. En moins de deux ans on vit surgir comme par magie une île véritable, sur laquelle se montra une batterie de gros calibre. Jusqu’à cet instant, les Anglais n’avaient guère fait que rire de nos efforts : ils avaient jugé dès le principe, disaient-ils, qu’ils demeureraient sans résultat ; ils avaient deviné que les cônes se détruiraient, que les petites pierres obéiraient aux vagues, et surtout ils s’en reposaient sur notre lassitude et notre inconstance. Mais ici ce fut tout autre chose ; aussi firent-ils mine de vouloir nous y troubler ; mais ils s’y prenaient trop tard, j’étais en mesure. La passe occidentale, il est vrai, était demeurée, par la force des choses, extrêmement large, et les deux fortifications extrêmes ne croisant pas leur feu, il pouvait en résulter qu’un ennemi audacieux eût pu forcer le passage de l’ouest, venir mouiller lui-même en dedans de la digue et recommencer le désastre d’Abou-