Page:Las Cases - Mémorial de Sainte-Hélène, 1842, Tome I.djvu/87

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éloignée, ce général n’était pas sans défiance sur quelque trahison ; il faisait observer souvent avec inquiétude que Toulon n’était pourtant pas de ce côté.

Cartaux voulut un jour forcer le commandant de placer une batterie adossée le long d’une maison qui n’admettait aucun recul ; une autrefois, revenant de la promenade du matin, il mande le même commandant pour lui dire qu’il vient de découvrir une position d’où une batterie de six ou douze pièces doit infailliblement procurer Toulon sous peu de jours : c’était un petit tertre d’où l’on pouvait battre à la fois, prouvait-il, trois ou quatre forts et plusieurs points de la ville. Il s’emporte sur le refus du commandant de l’artillerie, qui fait observer que si la batterie battait tous les points, elle en était battue ; que les douze pièces auraient affaire à cent cinquante ; qu’une simple soustraction devait lui suffire pour lui faire connaître son désavantage. Le commandant du génie fut appelé en conciliation, et comme il fut tout d’abord de l’avis du commandant de l’artillerie, Cartaux disait qu’il n’y avait pas moyen de rien tirer de ces corps savants, parce qu’ils se tenaient tous par la main. Pour prévenir des difficultés toujours renaissantes, le représentant décida que Cartaux ferait connaître en grand son plan d’attaque au commandant de l’artillerie, qui en exécuterait les détails d’après les règles de son arme. Voici quel fut le plan mémorable de Cartaux.

« Le général d’artillerie foudroiera Toulon pendant trois jours, au bout desquels je l’attaquerai sur trois colonnes, et l’enlèverai. »

Mais, à Paris, le comité du génie trouva cette mesure expéditive beaucoup plus gaie que savante, et c’est ce qui contribua à faire rappeler Cartaux. Les projets du reste ne manquaient pas ; comme la reprise de Toulon avait été donnée au concours des sociétés populaires, ils abondaient de toutes parts ; Napoléon dit qu’il en a bien reçu six cents durant le siège. Quoi qu’il en soit, c’est au représentant Gasparin que Napoléon dut de voir son plan, celui qui donna Toulon, triompher des objections des comités de la Convention, il en conservait un souvenir reconnaissant : C’était Gasparin, disait-il, qui avait ouvert sa carrière.

Aussi verra-t-on l’Empereur, dans son testament, consacrer un souvenir au représentant Gasparin, pour la protection spéciale, dit-il, qu’il en avait reçue.

Il a honoré en même temps d’un précieux souvenir le chef de son école d’artillerie, le général Duteil, ainsi que son général en chef à Toulon, Dugommier, pour l’intérêt et la bienveillance qu’il avait éprouvés d’eux.

Un jour, au quartier-général, on vit déboucher par le chemin de Paris