Page:Las Cases - Mémorial de Sainte-Hélène, 1842, Tome I.djvu/88

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une superbe voiture ; elle était suivie d’une deuxième, troisième, d’une dixième, quinzième, etc. Qu’on juge, dans ces temps de simplicité républicaine, de l’étonnement et de la curiosité de chacun ; le grand roi n’eût pas voyagé avec plus de pompe. Tout cela avait été requis dans la capitale ; plusieurs étaient des voitures de la cour ; il en sort une soixantaine de militaires, d’une belle tenue, qui demandent le général en chef ; ils marchent à lui avec l’importance d’ambassadeurs : « Citoyen général, dit l’orateur de la bande, nous arrivons de Paris, les patriotes sont indignés de ton inaction et de ta lenteur. Depuis longtemps le sol de la république est violé ; elle frémit de n’être pas encore vengée ; elle se demande pourquoi Toulon n’est pas encore repris, pourquoi la flotte anglaise n’est pas encore brûlée. Dans son indignation, elle a fait un appel aux braves ; nous nous sommes présentés, et nous voilà brûlants d’impatience de remplir son attente. Nous sommes canonniers volontaires de Paris ; faits-nous donner des canons, demain nous marchons à l’ennemi. » Le général, déconcerté de cette incartade, se retourne vers le commandant d’artillerie, qui lui promet tout bas de le délivrer le lendemain de ces fiers-à-bras. On les comble d’éloges, et, au point du jour, le commandant d’artillerie les conduit sur la plage, et met quelques pièces à leur disposition. Étonnés de se trouver à découvert depuis les pieds jusqu’à la tête, ils demandent s’il n’y aura pas quelque abri, quelque bout d’épaulement. On leur répond que c’était bon autrefois, que ce n’est plus la mode, que le