Page:Las Cases - Mémorial de Sainte-Hélène, 1842, Tome II.djvu/113

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qu’elle était à ses yeux la première femme du monde, morte ou vivante. « Celle qui a fait le plus d’enfants, » répondit Napoléon avec beaucoup de simplicité. Madame de Staël, d’abord un peu déconcertée, essaya de se remettre en lui observant qu’il avait la réputation d’aimer peu les femmes. « Pardonnez-moi, reprit Napoléon, j’aime beaucoup la mienne, Madame. »

Le général de l’armée d’Italie eût pu sans doute mettre le comble à l’enthousiasme de la Corinne genevoise, disait l’Empereur ; mais il redoutait ses infidélités politiques et son intempérance de célébrité ; peut-être eut-il tort. Toutefois l’héroïne avait fait trop de poursuites, elle s’était vue trop rebutée pour ne pas devenir une chaude ennemie. « Elle suscita d’abord Benjamin Constant, qui n’entra pas bien loyalement dans la carrière, remarquait l’Empereur : lors de la formation du Tribunal, il employa les plus vives sollicitations près du Premier Consul pour s’y trouver compris. À onze heures du soir, il suppliait encore à toute force ; à minuit, et la faveur prononcée, il était déjà relevé jusqu’à l’insulte. La première réunion des tribuns fut pour lui une superbe occasion d’invectiver. Le soir, illumination chez madame de