Aller au contenu

Page:Las Cases - Mémorial de Sainte-Hélène, 1842, Tome II.djvu/197

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

« Son style, sa grâce, la pureté de son langage, me ravissent, a-t-il dit ; je me raccommode. Si je suis violemment heurté par ce qui est mauvais, j’ai une sensibilité exquise pour ce qui est bon. Je crois que je préfère les lettres de madame de Maintenon à celles de madame de Sévigné : elles disent plus de chose. Madame de Sévigné certainement restera toujours le vrai type, elle a tant de charmes et de grâce ; mais quand on a beaucoup lu, il ne reste rien. Ce sont des œufs à la neige dont on peut se rassasier sans charger son estomac. »

Plus tard, en parlant de grammaire, il a fait venir celle de Domairon, qui avait été notre professeur à l’École militaire de Paris. Il la parcourait avec plaisir. « Ce qu’est l’influence de la jeunesse, disait-il ; je soupçonne bien qu’elle n’est pas la meilleure des grammaires, mais elle rien sera pas moins toujours pour moi celle qui aura le plus d’attraits ; je ne l’ouvrirai jamais sans éprouver un certain charme, etc. »


Fautes des ministres anglais ; moyens laissés à l’Angleterre pour l’acquittement de sa dette, etc. – Réductions du gouverneur.


Samedi 7.

L’Empereur n’est pas sorti de la journée. Le gouverneur a paru sur le terrain avec un groupe nombreux. Nous avons fui à son approche. Plusieurs bâtiments ont été signalés.

Appelé chez l’Empereur, je l’ai trouvé occupé d’un ouvrage sur l’état de l’Angleterre ; ce point est devenu le sujet de la conversation. Il a beaucoup parlé de l’énormité de sa dette, de la gaucherie de la paix qu’elle avait conclue, des divers moyens qui s’offraient à elle de se tirer d’affaire, etc.

Napoléon a essentiellement l’instinct de l’ordre, le besoin de l’harmonie. J’ai connu quelqu’un qui, vivant dans les chiffres, confessait ne pouvoir entrer dans un salon sans y additionner irrésistiblement, tout aussitôt et de force, les personnes qu’il y apercevait ; à table, c’étaient les plats, les verres, etc., etc. Napoléon, dans une atmosphère plus noble, dans une région plus élevée, avait aussi son acte irrésistible ; c’était celui de mettre en marche le grand et de développer le beau. S’il s’occupait d’une ville, il suggérait aussitôt des améliorations, des embellissements, des monuments ; s’il s’arrêtait sur une nation, il traitait à l’instant des voies de son illustration, de sa prospérité, de sa grandeur, de ses meilleures institutions, etc. C’est ce que vingt traits qui précèdent auront déjà présenté à l’intelligence, à la sagacité de chacun.