Page:Las Cases - Mémorial de Sainte-Hélène, 1842, Tome II.djvu/273

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a plus à revenir sur le passé : je vous conseille seulement de ne pas les laisser dans les prisons de Middelbourg ; c’est trop près du lieu où le crime a été commis ; renvoyez-les dans le fond de la Hollande.

Cette lettre n’étant à autre fin, etc.

Signé Napoléon. »


À dîner, l’Empereur a demandé à son piqueur comment était son cheval ; celui-ci a répondu qu’on le nourrissait bien, qu’il était fort gai et en fort bon état. « J’espère qu’il ne se plaint pas de moi, a dit l’Empereur ; s’il fut jamais un chanoine au monde, c’est celui-là. » En effet, il y a deux ou trois mois que l’Empereur n’est monté à cheval.


Ferveur de travail – Idées et projets de Napoléon sur notre histoire, etc. – Sur les ouvrages publiés, etc. – M. Méneval ; détails curieux, etc., etc..


Mercredi 25 au vendredi 27.

L’Empereur, depuis quelques jours, a une grande ferveur de travail. Toutes les matinées se sont passées à des recherches sur l’Égypte, dans les auteurs anciens. Nous avons parcouru de concert Hérodote, Pline, Strabon, etc., etc., ne prenant guère d’autre interruption que l’instant du déjeuner sur sa petite table. Le temps demeurait toujours mauvais, et l’Empereur a dicté littéralement durant ces deux jours dans tout leur entier.

À dîner, il nous disait qu’il se trouvait beaucoup mieux, et nous lui avons fait observer, à ce sujet, que depuis quelque temps néanmoins il ne sortait plus, et travaillait huit, dix, douze heures par jour.

« C’est cela même, disait-il : le travail est mon élément ; je suis né et construit pour le travail. J’ai connu les limites de mes jambes, j’ai connu les limites de mes yeux ; je n’ai jamais pu connaître celles de mon travail. Aussi j’ai manqué tuer ce pauvre Méneval ; j’ai été obligé de le faire relever, et de le mettre en convalescence auprès de Marie-Louise, chez laquelle son emploi n’était plus qu’une véritable sinécure. »

L’Empereur ajoutait que s’il était en Europe, et tranquille, son plaisir serait d’écrire l’histoire. Il se plaignait de la manière pitoyable dont il la voyait traitée partout. Les recherches qu’il faisait chaque jour le lui démontraient, disait-il, au-delà de tout ce qu’il avait pu soupçonner.

« Nous n’avions pas de bonne histoire et nous n’avions pu en avoir. La plupart des peuples de l’Europe étaient dans le même cas que nous ; les moines et les privilégiés, c’est-à-dire les gens à abus, les ennemis