Page:Las Cases - Mémorial de Sainte-Hélène, 1842, Tome II.djvu/272

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moi à se garantir de l’astuce de la politique anglaise. Encore quelques années de patience, et l’Angleterre voudra la paix autant que nous la voulons nous-mêmes.

« Considérez la position de vos États, vous remarquerez que ce système vous est plus utile qu’à moi. La Hollande est une puissance maritime commerçante : elle a des ports magnifiques, des flottes, des matelots, des chefs habiles, et des colonies qui ne coûtent rien à la métropole ; ses habitants ont le génie du commerce, comme les Anglais. N’a-t-elle pas tout cela à défendre aujourd’hui ? La paix ne peut-elle pas la remettre en possession de son ancien état ? Sa situation, peut-être pénible pendant quelques années, n’est-elle pas préférable à faire du monarque hollandais un gouverneur pour l’Angleterre ? de la Hollande et de ses colonies un fief de la Grande-Bretagne ? L’encouragement que vous donneriez au commerce anglais vous conduirait à cela : vous avez sous les yeux l’exemple de la Sicile et du Portugal.

« Laissez marcher le temps : si vous avez besoin de vendre vos genièvres, les Anglais ont besoin de les acheter. Désignez les points où les smogleurs anglais viendront les prendre ; mais qu’ils les paient avec de l’argent, et jamais avec des marchandises. Jamais, entendez-vous ? Il faudra bien enfin que la paix se fasse ; vous signerez en son lieu un traité de commerce avec l’Angleterre. J’en signerai peut-être un aussi ; mais les intérêts réciproques seront garantis. Si nous devons laisser exercer à l’Angleterre une sorte de suprématie sur les mers qu’elle aura achetée au prix de ses trésors et de son sang, une prépondérance qui tient à sa position géographique et à ses occupations territoriales dans les trois parties, du monde, au moins nos pavillons pourront se montrer sur l’Océan sans craindre l’insulte ; notre commerce maritime cessera d’être ruineux. C’est à empêcher l’Angleterre de se mêler des affaires du continent qu’il faut travailler aujourd’hui.

« Votre affaire de grâce m’a entraîné dans ces détails ; je m’y suis livré, parce que j’ai craint que vos ministres hollandais n’aient fait entrer de fausses idées dans l’esprit de Votre Majesté.

« Je désire que vous réfléchissiez à cette lettre, que vous fassiez des sujets qu’elle traite l’objet des délibérations de vos conseils ; enfin que vos ministres impriment à l’administration le mouvement qui lui convient.

« Sous aucun prétexte, la France ne souffrira que la Hollande se sépare de la cause continentale.

« Quant à ses contrebandiers, puisque la faute a été commise, il n’y