Page:Las Cases - Mémorial de Sainte-Hélène, 1842, Tome II.djvu/356

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L’Empereur a continué de souffrir tout le jour ; sa joue demeurait très enflée, mais la douleur était moins vive.

L’Empereur s’est vu forcé, comme hier, de se mettre au lit de bonne heure. Il devait avoir de la fièvre, car il souffrait du froid. Il n’avait mangé qu’une soupe depuis la veille, et se sentait des dispositions à des étourdissements. Il trouvait son lit mal fait, les couvertures mal arrangées ; rien n’allait, disait-il ; et il a essayé de faire raccommoder le tout tant bien que mal, remarquant à ce sujet que tout ce qui l’entourait n’était calculé que sur sa bonne santé, et que chacun se trouverait sans expérience et sans doute bien gauche, s’il venait jamais à être sérieusement malade, etc.

Il s’est fait faire du thé de feuilles d’oranger, qu’il a dû attendre longtemps ; ce qu’il a fait avec une patience dont je n’eusse certainement pas été capable.

Il a causé, étant au lit, de ses premières années de Brienne, du duc d’Orléans, de madame de Montesson, qu’il se rappelait y avoir vus, de la famille de Nogent, de celle de Brienne, liées aux détails de ses premières années, etc.

« Une fois à la tête du gouvernement, disait Napoléon, madame de Montesson m’avait fait demander à pouvoir prendre le titre de duchesse d’Orléans, ce qui m’avait paru extrêmement ridicule. » L’Empereur ne la croyait que maîtresse du prince. Je l’assurai qu’elle avait été bien mariée avec le consentement de Louis XV, et que je croyais être certain que depuis la mort de son époux, elle prenait, dans tous les actes, le titre de douairière d’Orléans. L’Empereur disait avoir ignoré cette circonstance. « Mais encore, dans ce cas, observait-il, qu’avait à dire et à faire le Premier Consul ? Aussi était-ce toujours là ma réponse aux intéressés, qui en étaient peu satisfaits. Mais devais-je prendre tout aussitôt les irrégularités et les ridicules de la vieille école ? etc. »


L’Empereur continue d’être souffrant – Circonstances caractéristiques.


Mardi 20.

À cinq heures, j'ai trouvé l’Empereur les pieds dans l’eau, souffrant encore violemment de la tête. Cependant ce demi-bain lui a fait du bien. Il s’est remis sur son canapé. Apercevant sur sa commode quelques pâtisseries ou espèces de sucreries qui semblaient y avoir été oubliées, m’a dit de lui en apporter ; et comme il voyait mon embarras et mon hésitation, cherchant vainement le moyen de pouvoir les lui présenter avec convenance : « Bah ! mon cher, avec la main, m’a-t-il dit, tout