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Page:Las Cases - Mémorial de Sainte-Hélène, 1842, Tome II.djvu/375

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Dans un de ses nombreux sujets de conversations rompues, il s’est arrêté avec suite sur Anvers, son arsenal, ses fortifications, son importance, les grandes vues politiques et militaires qu’il avait eues sur ce point si heureusement situé, etc., etc., etc.

Il a dit qu’il avait beaucoup fait pour Anvers, mais que c’était encore peu auprès de ce qu’il comptait faire. Par mer il voulait en faire un point d’attaque mortel à l’ennemi, par terre il voulait le rendre une ressource certaine en cas de grands désastres, un vrai point de salut national ; il voulait le rendre capable de recueillir une armée entière dans sa défaite et de résister à un an de tranchée ouverte, intervalle pendant lequel une nation avait le temps, disait-il, de venir en masse la délivrer et reprendre l’offensive. Cinq à six places de la sorte, ajoutait-il, étaient d’ailleurs le système de défense nouveau qu’il avait le projet d’introduire à l’avenir. On admirait déjà beaucoup les travaux exécutés en si peu de temps à Anvers, ses nombreux chantiers, ses magasins, ses grands bassins, mais tout cela n’était encore rien, disait l’Empereur, ce n’était encore là que la ville commerçante, la ville militaire devait être sur la rive opposée ; on avait déjà acheté le terrain ; on l’avait payé à vil prix, et, par une spéculation adroite, on en eût revendu à un très haut bénéfice, à mesure que la ville se serait élevée, ce qui eût contribué à diminuer d’autant la dépense totale. Les vaisseaux à trois ponts fussent entrés tout armés dans les bassins d’hiver. On eût construit des formes couvertes pour retirer à sec les vaisseaux pendant la paix, etc.

L’Empereur disait qu’il avait arrêté que le tout fût gigantesque et colossal. Anvers eût été à lui seul toute une province. En revenant à ce superbe établissement, il remarquait que cette place était une des grandes causes qu’il était ici, à Sainte-Hélène ; que la cession d’Anvers était un des motifs qui l’avaient déterminé à ne pas signer la paix de Châtillon. Si on eût voulu lui laisser cette place, peut-être eût-il conclu ; et il se demandait s’il n’avait pas eu tort de se refuser à signer l’ultimatum. « Il y avait encore alors, disait-il, bien des ressources et bien des chances, sans doute, mais aussi que de choses à dire contre ! » Et il concluait : « J’ai dû m’y refuser, et je l’ai fait en toute connaissance de cause ; aussi, même sur mon roc, ici, en cet instant, au sein de toutes mes misères, je ne m’en repens pas. Peu me comprendront, je le sais, mais pour le vulgaire même, et malgré la tournure fatale des évènements, ne doit-il pas aujourd’hui demeurer visible que le devoir et l’honneur ne me laissaient pas d’autre parti ? Les alliés, une fois qu’ils