Page:Las Cases - Mémorial de Sainte-Hélène, 1842, Tome II.djvu/39

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décorum ! » Alors la belle solliciteuse gardait le silence, ou lui disait : « Du moins ne m’ôtez pas l’espérance, » et renvoyait à l’année suivante à être plus heureuse. « Et chacun de nous deux, disait l’Empereur, était exact à ce nouveau rendez-vous. »

À ces bals, l’Empereur aimait particulièrement à se faire insulter, disait-il, et le recherchait. Un jour, chez Cambacérès, il rit beaucoup de s’entendre dire par une dame connue, qu’il prétend que sa nature portait d’ailleurs facilement à l’aigreur, « qu’il y avait des gens au bal qu’il faudrait mettre à la porte ; qu’ils n’avaient pu y entrer sans doute qu’avec des billets volés. »

Une autre fois il avait porté la douce et timide madame de Mégrigny à se lever et à s’éloigner avec colère et les larmes aux yeux, disant qu’on abusait assurément vis-à-vis d’elle de la liberté que donnait un bal masqué. L’Empereur venait de lui rappeler une faveur très remarquable qu’il lui avait accordée jadis, en ajoutant que personne ne doutait qu’elle ne l’eût payée par le droit du seigneur. « Or il n’y avait que moi, disait l’Empereur, qui pusse le lui dire sans l’insulter, parce que cela se disait, il est vrai, mais que j’étais bien sûr qu’il n’en était rien. » Voici l’histoire.

L’Empereur allant se faire couronner à Milan coucha à Troyes. On lui présenta les autorités, et, parmi elles, une jeune pétitionnaire à la