Page:Las Cases - Mémorial de Sainte-Hélène, 1842, Tome II.djvu/464

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de Condé, et devait son retour à l’amnistie du Premier Consul. C’était lui qui était chargé d’accréditer et de procurer les moyens de parvenir jusqu’à Louis XVIII à Mittau. Ce bon et brave gentilhomme, il faut lui rendre justice, disait l’Empereur, ne s’y prêta qu’avec beaucoup de peine et une extrême répugnance ; il était désormais bien tard, observait-il, pour revenir à de pareilles entreprises… la France commençait à goûter du repos… Et il protestait surtout de son éloignement absolu à voir courir le moindre danger au Premier Consul, devenu désormais pour lui, disait-il, un homme extraordinaire et sacré, etc. Après avoir vu plusieurs fois Louis XVIII à Mittau, l’agent revint connaissant tout ; on arrêta M. de La Rochefoucauld et sa bande ; et s’ils savaient à qui ils le durent !…, etc. »


Poniatowski, le vrai roi de Pologne – Traits caractéristiques sur Napoléon – Dires épars ; notes perdues.


Lundi 18, mardi 19.

Nous parlions de la Pologne ébranlée à la voix de l’Empereur, des rois auxquels nous l’avions crue destinée : chacun nommait le sien. L’Empereur, qui avait gardé le silence, l’a interrompu en disant : « Le vrai roi de Pologne, c’était Poniatowski : il en réunissait tous les titres et il en avait tous les talents. » Et il s’est tu.

Dans un autre moment, l’Empereur riait de l’importance qu’on avait mise à effacer ses emblèmes ou son chiffre sur les monuments qu’il avait créés. On a pu, disait-il, avoir eu la petitesse de les enlever aux regards du vulgaire ; mais on ne saurait les effacer des pages de l’histoire ni du sentiment des connaisseurs et des artistes. J’ai agi différemment, ajoutait-il, j’ai respecté tous les vestiges royaux que j’ai trouvés encore ; j’ai même fait rétablir des fleurs de lis ou autres emblèmes, quand l’ordre chronologique le réclamait, etc. »

À cela quelqu’un s’est permis de dire que le prince Lucien avait montré précisément les mêmes sentiments. Logé au Palais-Royal, où l’Empereur l’avait placé à son arrivée en 1815, et frappé, en montant le bel escalier, du groupe de fleurs de lis qui tapissent la muraille, il dit à l’officier de l’Empereur en service auprès de lui : « Nous ôterons bientôt tout cela, n’est-ce pas ? – Pourquoi, Monseigneur ? – Mais parce que ce sont les insignes de l’ennemi. – Eh bien ! Monseigneur, pourquoi ne demeureraient-elles pas nos trophées ? – Et vous avez bien raison, répliqua-t-il vivement ; car ce sont aussi mes principes et ma manière de voir. »

Aujourd’hui j’ai eu peu à recueillir de l’Empereur, et malheureuse-