« – Mais si jamais il prenait fantaisie à ton sultan, disait un jour le dey d’Alger au consul français, de venir nous visiter, quelle serait notre sûreté ? car il a défait les mameloucks. C’est que les mameloucks, dans tout l’Orient, faisait observer l’Empereur, étaient en effet des objets de vénération et de terreur, c’était une milice regardée jusqu’à nous comme invincible. »
L’Empereur, en attendant son dîner au milieu de nous, a ouvert un livre qui se trouvait à côte de lui sur le canapé : C’était la régence. Il a dit que c’était là une des époques les plus hideuses de nos annales ; il était fâché qu’on l’eût peinte avec la légèreté du temps, et non avec la sévérité de l’histoire. On avait jeté dessus les fleurs du bon ton et le vernis des grâces, au lieu d’en faire une exacte justice. La régence, au vrai, ajoutait-il, avait été le règne de la dépravation du cœur, du dévergondage de l’esprit, de l’immoralité la plus profonde en tout genre : c’était au point qu’il croyait, disait-il, à toutes les horreurs, à toutes les abominations qu’on reprochait aux mœurs du régent, dans le sein de sa propre famille ; tandis qu’il ne le croyait pas de Louis XV, qui, bien que plongé dans le plus sale, le plus hideux libertinage, ne lui laissait pourtant pas le droit d’ajouter foi à des choses si révoltantes et si monstrueuses ; et il le justifiait très bien de certaines imputations qui eussent touché de fort près à la personne d’un de ses anciens aides de camp, de lui ; Napoléon. De là il est revenu à dire que l’époque du régent avait été le renversement de toutes les fortunes, la perte de la morale publique. Rien n’avait été sacré, ni dans les mœurs, ni dans les principes. Le régent s’était personnellement couvert d’infamie. Dans l’affaire des princes légitimés, il avait montré la dernière bassesse, et commis un grand abus d’autorité. Le roi seul pouvait autoriser un tel jugement, et lui régent s’était plu à se déshonorer gratuitement dans la personne de sa femme, fille naturelle de Louis XIV, qu’il avait trouvé très bien néanmoins d’épouser quand ce roi régnait, etc., etc.
Pour essayer la tente qui venait d’être achevée, on y a dressé la table de service, et nous avons invité à déjeuner avec nous les officiers anglais qui avaient surveillé le travail.
L’Empereur m’a fait appeler dans sa chambre ; il a fait sa toilette, je l’ai accompagné à sa sortie jusqu’au fond du bois, où nous nous sommes promenés quelque temps : il discutait des objets graves, etc., etc.