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Page:Las Cases - Mémorial de Sainte-Hélène, 1842, Tome II.djvu/507

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la malle qui les contenait. Le lendemain je me fis un malin plaisir de les lui remettre. Son étonnement fut grand : on eût cru qu’il me les eût laissées ; il ne les en resserra pas moins soigneusement et pour la stricte régularité, disait-il, bien que je l’assurasse que c’était inutile, lui faisant observer en riant qu’il devait bien croire que, s’il y avait eu quelques-uns de ces papiers à soustraire, il ne les y trouverait plus. Déjà le premier jour j’avais été dans le cas de lui faire voir qu’on avait oublié de sceller mon portefeuille lorsqu’on s’en était saisi à Longwood : il était convenu d’une grande irrégularité à cet égard et s’était dit fort touché que je ne remarquasse le fait que comme simple observation ; je n’avais d’autre but, en effet, que de lui montrer combien il était hors de moi de profiter de toutes les occasions qu’il me fournissait de le quereller ; mais tant de procédés de ma part ne me valurent, je le répète, que quelques phrases, jamais aucun acte en retour.

Il fut pris registre de toutes les lettres de mes amis de Londres, pour pouvoir confronter dans les bureaux des ministres s’il n’en serait arrivé aucune par des voies détournées. J’avais commencé une seconde lettre au prince Lucien, le gouverneur s’y arrêta très particulièrement. J’eus beau lui montrer qu’elle était pleine de ratures, surchargée au crayon, à peu près effacée ; lui dire qu’elle n’avait point été écrite, qu’elle n’existait donc réellement pas, que je pouvais la désavouer sans scrupule ; qu’il était impossible d’en faire aucun usage légal ou honnête, il n’en fit pas moins retranscrire quelques parties, Dieu sait pour quel emploi !

Un billet de la femme du lieutenant-gouverneur l’intrigua beaucoup. Partant pour l’Angleterre, elle nous avait dit que la loi lui défendait de se charger d’aucune lettre, mais que si elle pouvait nous être autrement agréable, ce serait avec un vrai plaisir. Je lui avais envoyé, pour mes amis de Londres, des objets qui avaient servi à l’Empereur ou venaient de sa personne. Un petit encrier d’argent, je crois, quelques mots de son écriture, peut-être de ses cheveux, je ne sais ; j’appelais cela de précieuses reliques. Madame Skelton avait répondu qu’elle les traiterait avec tout le respect qu’elles méritaient, mais qu’elle devait m’avouer qu’elle n’avait pu résister à en dérober une petite portion.

Sir Hudson Lowe ne revenait pas que je ne pusse ou ne voulusse pas affirmer quels étaient ces objets précieux. Je serais fâché qu’ils pussent être la cause de quelques tracasseries pour cette dame ; je n’avais gardé son billet que par le respect et le souvenir qu’elle m’inspirait. M. et madame Skelton étaient un couple moral et vertueux à qui nous avions fait bien du mal, malgré nous sans doute, mais qui avaient reçu cha-