Page:Las Cases - Mémorial de Sainte-Hélène, 1842, Tome II.djvu/508

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cun de nos torts en redoublant pour nous d’égards et d’attentions. Notre arrivée dans l’île les avait dépossédés de Longwood ; elle avait amené la suppression de leur emploi et leur renvoi en Europe où ils doivent se trouver sans fortune.

Enfin arrivèrent avec le temps les fameuses pièces clandestines : ma lettre au prince Lucien et celle à ma connaissance de Londres. Sir Hudson Lowe les avait fait soigneusement retranscrire, mais avec des lacunes, faute d’avoir pu tout lire, certains mots s’étant trouvés effacés sur le satin pour avoir été accidentellement mouillé depuis que je m’en étais dessaisi. Je poussai la complaisance jusqu’à les rétablir bénévolement, et alors commença sur moi une espèce d’interrogatoire.

Deux points occupaient beaucoup le gouverneur, qu’il tenait fort à éclaircir, si je n’y avais pas d’objection, disait-il. La première question a été relative à ces paroles de ma lettre au prince Lucien : « Ceux dont nous sommes entourés se plaignent amèrement que leurs lettres sont falsifiées par les papiers publics, etc. » Quelles étaient ces personnes ? me demandait-on. L’aide de camp tenait la plume pour noter mes réponses. J’ai fait écrire que ne voyant aucun inconvénient à répondre, j’allais le faire purement à l’amiable ; car si le gouverneur pensait m’interroger d’autorité, j’allais garder le silence, et j’ai dit : « Que ces paroles de ma lettre étaient vagues, générales, sans aucune application quelconque ; que c’était ce qui nous avait été dit par tout le monde, lorsqu’on avait cherché à nous consoler des expressions ou des peintures très déplacées à notre égard que nous rencontrions parfois dans les journaux de Londres, sous la date de Sainte-Hélène ; qu’il m’en revenait en cet instant un exemple spécial, celui d’une dame du camp qui lui était connue, et qui répétait partout n’avoir point écrit la lettre ridicule qui avait paru sous son nom, soit que ses amis en Angleterre y eussent fait des changements, soit qu’ayant été lue en société, elle eût été mal retenue et infidèlement livrée à l’impression. »

La seconde question du gouverneur s’appliqua à ma lettre privée : j’y avais tracé la commission de faire demander à lord Holland s’il avait reçu les paquets que je lui avais adressés. Sir Hudson Lowe me demandait ce que c’était que ces paquets et par qui je les avais fait passer, etc. ; et ici il redoublait visiblement d’aménité et de douceur pour obtenir une réponse satisfaisante : il convenait n’avoir aucun droit pour me forcer à répondre ; mais ce serait, disait-il, abréger et simplifier de beaucoup mes affaires, etc., etc. Je répondis avec assez de solennité que cet article, était mon secret, ce qui fit une impression évi-