Page:Las Cases - Mémorial de Sainte-Hélène, 1842, Tome II.djvu/552

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y a peu de jours découragé, a repris peu à peu sa gaieté. Il a parlé longtemps de l’amiral, qu’il regarde comme un officier très-habile, savant dans sa profession. « Il n’a pas le cœur mauvais, ajouta-t-il ; je le crois capable d’une action généreuse : mais il est violent, très-fier, mobile, fantasque ; il ne consulte personne, et quelquefois il manque de dignité. »

« Corvisart, me dit-il un jour, était mon premier médecin ; il avait grande fortune, recevait de moi des présents, il prenait un napoléon par chaque visite. »

Le 26, il m’a fait plusieurs questions sur des vaisseaux qu’il avait vus s’approcher des côtes.

Il désirait vivement savoir si lady Bingham, que l’on attendait, était arrivée.

Il m’a demandé si le vaisseau aperçu avait reçu un chronomètre du gouverneur : j’ai répondu que non. Il croyait qu’il avait manqué l’ile, vu l’absence de cet instrument. « Il est inexplicable que votre gouvernement mette quatre cents hommes sur un vaisseau destiné pour ce lieu, sans le munir d’un chronomètre, et qu’il lui fasse courir le danger de périr corps et biens pour épargner une misérable somme. »

O’Méara a décrit fidèlement le logement de l’Empereur.

Les murs sont couverts de nankin brun, bordé de papier vert à bordures ordinaires. Deux petites fenêtres, qui se lèvent comme les châssis qu’on voit sur nos toits, prennent leur jour sur le camp du 55e : l’une était ouverte et retenue par un morceau de bois dentelé. Les rideaux étaient blancs ; une petite cheminée, une grille à tourbe très-délabrée, des mains de fer ; un manteau de cheminée des plus communs, en bois peint en blanc, sur lequel on avait placé le petit buste en marbre représentant le roi de Rome. Au-dessus de la cheminée était suspendu le portrait de Marie-Louise, et quatre ou cinq portraits de son fils ; l’un de ces portraits était brodé : c’était l’ouvrage de la jeune impératrice. Plus loin on trouvait le portrait de Joséphine : c’était une miniature. A gauche, le réveille-matin du grand Frédéric, que Napoléon avait rapporté de Potsdam ; la montre dont il se servait étant consul, chiffrée B, suspendue à une épingle enfoncée dans du nankin, par une tresse de cheveux de Marie-Louise ; un très-mauvais tapis qui, il y a quelques années, était placé dans la salle à manger d’un lieutenant de l’artillerie de Sainte-Hélène. A droite, dans une encoignure, on trouvait son petit lit de camp en fer, enveloppé de rideaux en soie verte. L’Empereur l’avait emporté dans toutes ses campagnes. Une commode se trouvait placée