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Page:Las Cases - Mémorial de Sainte-Hélène, 1842, Tome II.djvu/555

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poléon avait accompagné sa réponse. Le gouverneur me dit que le secrétaire d’État de son département lui avait écrit de prendre des informations précises sur l’envoi d’une lettre relative à l’Empereur, insérée dans les journaux de Londres’; elle avait déplu aux ministres. Le gouverneur, me regardant fixement, me demanda si je l’avais écrite, et, à tout prendre, il n’y avait pas de mal ; néanmoins, cette lettre est une irrégularité, une subversion des rapports ; il voulait la réprimer, les ministres s’étant réservé exclusivement le droit de donner des renseignements à l’Europe sur Bonaparte. La lettre n’était pas de moi ; je le lui dis. Je remportai avec moi ce papier.

Je vins rapporter fidèlement à Longwood les diverses circonstances de cette démarche. Napoléon persista à refuser une audience au gouverneur. « S’il persiste à me voir, ajouta-t-il, je lui écrirai moi-même encore ceci : « Napoléon ne veut pas vous voir, parce que, lorsqu’il vous a reçu, vous l’avez insulté ; il ne veut plus avoir de communication avec vous. » Je sais bien que si nous avions une autre entrevue, il en résulterait quelque altercation ; un geste pourrait amener je ne sais trop quoi. Il ne doit pas, pour lui-même, désirer me voir, après le langage dont je me suis servi avec lui la dernière fois qu’il est venu. Je lui ai dit devant l’amiral, lorsqu’il a prétendu qu’il ne faisait que son devoir, que le bourreau le faisait aussi ; mais qu’on n’était pas obligé de le voir avant le moment de son exécution. Ci sono state tre scene wergognose ? Je ne veux pas le revoir… Je sais que mon sang s’échaufferait. Je lui dirai qu’aucun pouvoir sur terre ne peut contraindre un prisonnier à recevoir avec bienveillance son bourreau. Je ne veux pas discuter avec lui. Cette hyène, qui exerce ici un pouvoir discrétionnaire, « vient me rendre la vie insupportable ! La preuve qu’il ne nous veut « aucun bien, c’est que son gouvernement nous a envoyé des objets utiles à la vie, et que je ne dois à ce prétendu officier général qu’obsessions d’inquisiteur, espionnage, insultes odieuses, la persécution la plus superfine et la plus infernale. Cela ne l’empêche pas de m’écrire des lettres doucereuses. « 

Ce chapitre épuisé, nous parlâmes du mariage de la princesse Charlotte avec le prince Léopold. Il fut flatteur pour ce dernier, qu’il avait vu à Paris pendant son règne.

D’après son désir, j’écrivis à sir Hudson Lowe ce qu’il avait répondu Je supprimai comme de coutume les paroles vives dont Napoléon s’était servi.

Le 4, les dépêches venues d’Angleterre furent communiquées à l’Em-