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les Russes en donnaient des détails dans toutes les cours. Il changea la position de l’Angleterre et les affaires du monde. Les embarras d’un nouveau règne… donnèrent une autre direction à la politique de la cour de Russie. Dès le 5 avril, les matelots anglais qui avaient été faits prisonniers de guerre par suite de l’embargo, et envoyés dans l’intérieur de l’empire, furent rappelés. La commission qui avait été chargée de la liquidation des sommes dues par le commerce anglais fut dissoute. Le comte de P…, qui continua à être le principal ministre, fit connaître aux amiraux anglais, le 20 avril, que la Russie accédait à toutes les demandes du cabinet anglais ; que l’intention de son maître était que, d’après la proposition du gouvernement britannique de terminer le différend à l’amiable par une convention, on cessât toutes hostilités jusqu’à la réponse de Londres. Le désir d’une prompte paix avec l’Angleterre fut hautement manifesté, et tout annonça le triomphe de cette puissance. » (Dictée de Napoléon au général Gourgaud, t. II, p 151.)

N.B. On vient de lire ci-dessus que l’Empereur se plaignait que le prince de Ponte-Corvo (Bernadotte) était à peine en Suède qu’il avait eu à s’en défier et à le combattre. Voici une lettre du moment tout à fait à l’appui de cette assertion, renfermant d’ailleurs un exposé précieux du système continental.

Aux Tuileries, le 8 août 1811.

« Monsieur le prince royal de Suède, votre correspondance particulière m’est parvenue ; j’ai apprécié, comme la preuve des sentiments d’amitié que vous me portez, et comme une marque de la loyauté de votre caractère, les communications que vous me faites. Aucune raison politique ne m’empêche de vous répondre.

« Vous appréciez sans doute les motifs de mon décret du 21 novembre 1806. Il ne prescrit point de lois à l’Europe ; il trace seulement la marche à suivre pour arriver au même but : les traités que j’ai signés font le reste. Le droit de blocus que s’est arrogé l’Angleterre nuit autant au commerce de la Suède, est aussi contraire à l’honneur de son pavillon et à sa puissance maritime, qu’il nuit au commerce de l’empire français et à la dignité de sa puissance. Je dirai même que les prétentions dominatrices de l’Angleterre sont encore plus offensives envers la Suède, car votre commerce est plus maritime que continental : la force réelle du royaume de Suède est autant dans l’existence de sa marine que dans l’existence de son armée.

« Le développement des forces de la France est tout continental. J’ai