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5.— Le gouverneur désire inviter l’Empereur à un bal qu’il veut donner à Plantation-House, pour célébrer l’anniversaire de la naissance du prince régent. Je lui ai dit que je croyais qu’il considérerait l’invitation comme une insulte, surtout si elle était adressée au général Bonaparte. Il me répondit qu’il éviterait cette difficulté en faisant « l’invitation de vive voix. » Il me parla du livre de Hobhouse, me disant qu’il ne pouvait pas l’envoyer à Longwood, parce qu’il ne lui avait pas été adressé par le secrétaire d’état ; une autre raison le retenait. Cet ouvrage était injurieux pour lord Castlereagh ; il ne désirait point donner au général Bonaparte le plaisir de lire un ouvrage dans lequel un ministre anglais était traité de cette façon, ni laisser voir au général Bonaparte que cela est permis chez nous : « Je ne veux pas qu’il lise de semblables réflexions. » Je répondis que Napoléon désirait beaucoup voir cet ouvrage, et qu’il lui ferait un grand plaisir de le lui envoyer. La réponse de Hudson Lowe fut qu’il le garderait ; qu’il le placerait dans sa bibliothèque.

6. — Napoléon m’a parlé du livre que le gouverneur retient illégalement ; il ajouta que, quand même il serait prisonnier et condamné à mort, le gouverneur n’avait pas le droit de garder et de retenir un livre dans lequel il ne se trouve rien qui puisse blesser la loi, ni trahison, ni correspondance.

Un lieutenant, deux gardes-marine et un détachement de marins se sont occupés à réparer la tente, qui a souffert considérablement des mauvais temps. Napoléon est allé les voir, et s’est entretenu quelques moments avec les gardes-marine, dont l’un, par un étrange rapprochement, se trouve être le fils de M. Drake[1], connu par sa conduite à Munich.

10. — Sir Hudson Lowe est arrivé pendant que Napoléon déjeunait sous la tente ; il désirait le voir, mais il n’a pas voulu le recevoir.

12. — Grande revue au camp en l’honneur du prince régent. L’anniversaire de la naissance de Son Altesse est célébré ainsi dans toutes nos colonies. « Gia, gia, dit-il, naturalmente. » Il me demanda si j’étais invité à dîner chez le gouverneur. « Non ; mais prié pour le bal. »

14. — C’est ce matin, pour la première fois, que l’Empereur est sorti à cheval. « C’était, disait-il, pour dissiper un affreux mal de tête qu’il s’était décidé à prendre cet exercice. Mais les limites sont tellement

  1. C’est celui qui a été si cruellement mystifié par M. Mehée de La Touche, qui nous a raconté spirituellement de quelle manière il avait trompé cet agent anglais.