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Page:Las Cases - Mémorial de Sainte-Hélène, 1842, Tome II.djvu/586

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que lui ; que dans le bill inique du parlement, on avait décidé que je serais traité en prisonnier, mais qu’il me traitait plus mal qu’un criminel condamné ou un galérien ! qu’il était permis à ces malheureux de recevoir les journaux et les livres imprimés, et qu’il me privait de cette consolation. Vous avez plein pouvoir sur mon corps, ajoutai-je, mais mon âme vous échappera toujours, cette âme est aussi fière, aussi courageuse. que lorsque je commandais à l’Europe. « Vous êtes un sbirro siciliano, et non pas un Anglais. » Je le priai enfin de ne plus se présenter devant moi, à moins qu’il ne m’apportât l’ordre de me dépêcher : « Alors vous trouverez toutes les portes ouvertes : je serai prêt. »

« Je n’ai pas l’habitude d’insulter personne ; mais l’effronterie de cet homme m’a révolté, et je n’ai pu, m’empêcher de lui exprimer mon sentiment sur lui, quand il eut l’impudence de me dire, devant l’amiral, qu’il avait tout laissé dans le même état que lorsqu’il était arrivé ; je répliquai : « Mais faites appeler le capitaine d’ordonnance et interrogez-le ; je m’en rapporte à sa décision. » Il se tut. »

22. — Je me suis rendu à Plantation-House sur l’invitation de Hudson Lowe. Il se promenait dans un chemin qui est à gauche de sa maison.

J’ai dit à Napoléon que l’entrevue qu’il avait eue avait été trop peu agréable à Hudson Lowe pour qu’il en recherchât d’autres. Il m’a demandé si j’avais vu la lettre de Montholon au gouverneur, lettre où les plaintes communes des prisonniers sont exprimées « Oui. — Eh bien, croyez-vous qu’il l’adresse à son gouvernement et la fasse publier à Londres ? Je ne crois pas qu’on veuille publier mes lettres. Les ministres anglais ne le souffriraient pas. Si j’envoyais, par exemple, une adresse à la nation française, on ne la laisserait pas publier. Il ne fera pas imprimer ces plaintes, qui sont un si vif tableau de son infamie. Le peuple anglais désire savoir pourquoi je conserve le titre d’empereur après avoir abdiqué. Je l’ai expliqué dans une lettre : que ne la publie-t-on ? J’avais l’intention, en demandant l’hospitalité du Bellérophon, de vivre en Angleterre en simple particulier ; mais puisqu’ils m’ont envoyé ici, et qu’ils veulent faire croire que je n’ai jamais été premier magistrat, ou empereur de France, j’en conserve le titre. *** m’a rapporté qu’il avait entendu dire aux lords Liverpool et Castlereagh, qu’une des principales raisons pour lesquelles ils m’avaient envové ici était la peur que je ne me mêlasse de quelque cabale de l’opposition. Ce n’est