Page:Las Cases - Mémorial de Sainte-Hélène, 1842, Tome II.djvu/591

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profond respect. Alors Napoléon répliqua en souriant : « Je ne suis pas une vieille femme. J’aime un brave qui a subi le baptême du feu, à quelque nation qu’il appartienne. »

31. — Napoléon s’est longuement entretenu avec sir George Bingham et le major Fehrsen du 53e.

Gorrequer est venu à Longwood pour s’entendre avec le général Montholon, au sujet de la réduction proposée dans les dépenses ; il m’a prié d’y assister. Le major a dit que le gouvernement britannique, croyant au départ de quelques-uns des officiers généraux qui forment la maison du général Bonaparte, avait fixé le maximum des dépenses à 8.000 livres sterling. Ce départ n’ayant point eu lieu, le gouverneur, sur sa propre responsabilité, avait alloué, pour toutes les dépenses, une somme de 12.000 livres sterling ; que par conséquent le général Montholon devait savoir qu’on ne pouvait, sous aucun prétexte, dé penser plus de 1.000 livres sterling par mois. Il ajoutait que Napoléon était le maître de payer l’excédant des dépenses dépassant cette allocation par des traites sur des banquiers de l’Europe ou sur ceux de ses amis qui voudraient les acquitter. Montholon a répondu que Napoléon était prêt à payer toutes les dépenses de l’établissement, si on voulait lui laisser les moyens de le faire, et si l’on permettait à une maison marchande ou à une maison de banque de Sainte-Hélène, Londres ou Paris, choisie par le gouvernement anglais, de recevoir et envoyer des lettres cachetées ; que, d’un autre côté, il engagerait son honneur, si l’on regardait cette correspondance comme sacrée, que les lettres ne traiteraient que d’affaires pécuniaires. Le major Gorrequer répondit que cela serait refusé ; qu’aucune lettre cachetée ne pouvait sortir de Longwood.

Le major Gorrequer ajouta que la diminution aurait lieu à partir du 15 du présent mois, et le pria de s’entendre avec M. Balcombe, chargé de l’approvisionnement, sur la dépense de 1.000 livres sterling par mois. M. Montholon lui dit que cet objet lui était indifférent ; que le gouverneur pouvait agir comme il voudrait ; qu’on ne leur fournissait rien de superflu ; que des réductions seraient une infamie monstrueuse. « Pourquoi les ministres anglais déclarent-ils à l’Europe que Napoléon ne manque de rien, et refusent-ils les offres des puissances coalisées de les défrayer d’une partie de ces dépenses ? »

Gorrequer insista : il fallait faire de grandes réductions, diminuer la consommation du vin ; il fallait que la maison entière se bornât à dix bouteilles de vin rouge et une de madère. A quoi Montholon répliqua