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s’est promené et a demandé la calèche. Il venait de lire l’histoire de Catherine. « C’était une maîtresse femme, disait-il : elle était digne d’avoir de la barbe au menton. La catastrophe de Pierre, celle de Paul, étaient des révolutions de sérail, des coups demain de janissaires. Ces milices de palais sont terribles, ajoutait-il, et d’autant plus dangereuses que le souverain est plus absolu. Ma garde impériale aussi eût pu devenir fatale sous une autre main que la mienne. »

L’Empereur disait que lui et Paul avaient été au mieux ensemble. Lors de la catastrophe de celui-ci, dans laquelle, du reste le public n’a épargné ni les siens ni ses alliés, Napoléon complotait, ajoutait-il, précisément en ce moment-là même avec lui une expédition des Indes, et il l’eût certainement porté à l’exécuter. Paul lui écrivait très souvent et fort au long : sa première communication avait été curieuse et originale, « Citoyen Premier Consul, lui avait-il écrit, de sa main, je ne discute point le mérite des droits de l’homme ; mais quand une nation met à sa tête un homme d’un grand mérite et digne d’estime, elle a un gouvernement, et la France en a désormais un à mes yeux, etc., etc. »

Au retour, nous avons trouvé l’amiral et sa femme ; l’Empereur les a fait monter en calèche, et a fait un tour de plus ; il s’est ensuite promené quelque temps d’une manière tout à fait gracieuse avec lady Malcolm.


L’Empereur évêque, etc. – N’avait jamais souffert de l’estomac.


Dimanche 11.

Après le déjeuner sous la tente et quelques tours de jardin, l’Empereur a fait une dernière lecture du chapitre d’Arcole : on le trouve dans ce Recueil.

Durant notre tour en calèche : « C’est dimanche, a fait observer quelqu’un. Nous aurions la messe, a dit l’Empereur, si nous étions en pays chrétien, si nous avions un prêtre, et cela nous eût fait passer un instant de la journée. J’ai toujours aimé le son des cloches de campagne, disait-il. Il faudrait se décider, ajoutait-il gaiement, à faire un prêtre parmi nous : le curé de Sainte-Hélène. – Mais comment l’ordonner, a-t-on dit, sans évêque ? – Et ne le suis-je pas, a repris l’Empereur, n’ai-je pas été oint du même chrême, sacré de la même manière ? Clovis et ses successeurs n’avaient-ils pas été oints dans le temps avec la formule de Rex Christique sacerdos ? N’était-ce pas là réellement de vrais évêques ? La jalousie et la politique des évêques et des papes n’a-t-elle pas seule amené depuis la suppression de cette formule ? etc., etc. »

À dîner, je ne mangeais pas ; l’Empereur a voulu en connaître la