Page:Las Cases - Mémorial de Sainte-Hélène, 1842, Tome II.djvu/8

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il ne fallait point attaquer des institutions vicieuses avec des instruments vicieux. »

L’Empereur disait que La Harpe avait tellement manqué son but vis-à-vis de lui, que tout son intérêt était pour le père et sa mauvaise humeur contre la fille. Il ne l’avait jamais vu jouer qu’il ne fût tenté de s’élever de sa loge et de crier à la fille : « Dites seulement non, et nous vous soutenons tous ici ; chaque citoyen sera votre défenseur. »

Il disait qu’étant au régiment, il avait assisté à maintes prises d’habit. « C’était une cérémonie fort suivie parmi les officiers, et qui nous irritait fort, disait-il, surtout si les demoiselles étaient jolies. Nous accourions, et tendions nos oreilles longues d’une aune. Si elles eussent dit non, nous les eussions enlevées l’épée à la main. Il est donc faux qu’on employât la violence, mais seulement on employait les séductions ; on enjôlait peut-être ces religieuses à la manière des recrues. Le fait est qu’elles avaient à passer, avant de conclure, par les religieuses, la supérieure, le directeur, l’évêque, l’officier civil, et enfin les spectateurs. Le moyen que tout cela se fût entendu pour concourir à un crime ! »

L’Empereur disait qu’il était contraire aux couvents en général, comme inutiles, et d’une oisiveté abrutissante. Pourtant, d’un autre côté, il y avait certaines choses à dire en leur faveur. Les tolérer, astreindre leurs membres à être utiles, ne reconnaître que des vœux annuels, était, selon lui le meilleur mezzo termine, et c’est ce qu’il avait fait.

L’Empereur se plaignait de n’avoir pas eu le temps de compléter aucune de ses institutions. Aux maisons de Saint-Denis et d’Écouen, il s’était proposé de joindre un certain nombre de chambres pour servir d’asile et d’hospice à des veuves de militaires ou à des femmes âgées, etc. « Et puis il fallait convenir encore, ajoutait-il, qu’il était des caractères, des imaginations de toutes sortes ; qu’on ne devrait pas contraindre les travers mêmes quand ils n’étaient pas nuisibles ; qu’un empire comme la France pouvait et devait avoir quelques hospices de fous appelés trappistes. » Au sujet de ceux-ci, il faisait la remarque que, s’il venait dans la pensée d’un homme d’infliger les pratiques qu’ils observent, assurément elles passeraient, et à juste titre, pour la plus abominable des tyrannies, et que pourtant elles peuvent faire les délices de celui qui se les impose volontairement… Voilà l’homme, ses bizarreries ou sa folie !… Il disait qu’il avait permis les moines du Mont--