Page:Las Cases - Mémorial de Sainte-Hélène, 1842, Tome II.djvu/806

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vous indique l’état du pouls ? — Que les forces reprennent, que Votre Majesté va se trouver mieux. — Sans doute ! tout me répugne, tout m’inspire du dégoût. Je ne puis souffrir la substance solide la plus légère, et je vais être mieux ! Docteur, ne cherchez pas à me donner le change, je sais mourir. »

25. — L’Empereur est plongé dans la mélancolie la plus profonde. Il éprouve des agitations nerveuses.

26. — L’Empereur est beaucoup mieux, aussi son humeur est-elle bien moins chagrine.

Il avait appris, quelques jours auparavant, les détails de la révolution espagnole. Cet événement n’avait pas paru le frapper beaucoup : il le prévoyait, s’était-il borné à nous dire. « Ferdinand est un homme incapable de se gouverner lui-même, et à plus forte raison de gouverner la Péninsule. Quant à la constitution des cortès, elle est en opposition avec les dogmes de la sainte alliance ; elle sape les préjugés et les intérêts des dévots, elle ne peut se soutenir longtemps. Ceux qui l’ont promulguée n’ont ni les moyens ni les forces de la faire aller. » La nouvelle des affaires de Naples produisit plus d’effet et le mit en bonne humeur. « Pour celle-là, je l’avoue, je ne m’y attendais pas. Qui jamais eût imaginé que des maccheronai voudraient singer les Espagnols ? Afficher leurs principes, rivaliser de bravoure avec eux ! » Puis, quittant la plaisanterie : « Ferdinand de Naples ne vaut pas mieux que l’autre ; mais ce n’est pas d’eux, c’est de leurs nations qu’il s’agit, et il y a entre elles une telle différence dans l’énergie, dans l’élévation des sentiments, qu’il faut que les Napolitains aient perdu la tête, ou que leur mouvement soit le prélude d’une insurrection générale ; car, en face, comme ils sont, du dominateur de l’Italie, que peuvent-ils faire s’ils ne sont soutenus par une grande nation ? S’ils le sont, j’applaudis à leur patriotisme ; mais, s’il en est autrement, que je plains mes bons, mes chers Italiens ! Ils seront décimés, sans que leur généreux sang profite au beau sol qui les a vus naître ; je les plains ! Les malheureux sont distribués par groupes, divisés, séparés par une cohue de princes, qui ne servent qu’à exciter des haines, à briser les liens qui les unissent, et les empêchent de s’entendre, de concourir à la liberté commune. C’était cet esprit de tribu que je cherchais à détruire ; c’est dans cette vue que j’avais réuni une partie de la Péninsule à la France, érigé l’autre en royaume ; je voulais déraciner ces habitudes locales, ces vues partielles, étroites ; modeler les habitants sur nos mœurs, les façonner à