Page:Las Cases - Mémorial de Sainte-Hélène, 1842, Tome II.djvu/827

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moment où le chirurgien du 20e, qui lui avait demandé la permission de palper, voulut lui persuader que l’organe dont il se plaignait était en bon état. Il lui jeta un coup d’œil qui n’était assurément pas celui de la conviction, secoua la tête, parut un instant pensif, et lui dit avec une espèce de rire sardonique : « C’est bien, docteur ; je vous sais gré de l’espérance que vous voulez me rendre, Allez. » Nous nous retirâmes.

J’étais rentré dans mon appartement ; il me fit chercher. « Docteur, me dit-il lorsque je parus, votre malade veut dorénavant obéir à la médecine ; il est résolu de prendre vos remèdes. » Puis fixant avec un léger sourire ceux de ses serviteurs qui étaient rangés autour de son lit : « Droguez-moi d’abord tous ces coquins-là, droguez-vous vous-même, vous en avez tous besoin. » Nous espérions le piquer d’amour-propre, nous goûtâmes à la potion. « Eh bien ! soit, je ne veux pas être le seul qui n’ose affronter une drogne. Allons, vite ! » Je la lui donnai ; il la porta brusquement à sa bouche et l’avala d’un trait.

L’Empereur sort de son lit, et reste dans son fauteuil pendant une heure entière.

Froid glacial aux extrémités inférieures. Je veux le dissiper ; j’essaye des fomentations. « Laissez, ce n’est pas là : c’est à l’estomac, c’est au foie qu’est le mal. Vous n’avez point de remèdes contre l’ardeur qui me consume ? » Arnott voulut encore lui persuader que le foie était intact. « Il le faut bien, puisque Hudson l’a décrété. »

12. — L’Empereur a passé une nuit fort agitée.

L’Empereur s’est levé et s’est fait conduire sur son fauteuil ; mais au bout d’une demi-heure, il a éprouvé un froid glacial aux extrémités inférieures, et a été forcé de se remettre au lit.

Le malade a été fort agité pendant le reste de la journée, et n’a pu goûter qu’un sommeil léger et longtemps interrompu par un sentiment de suffocation.

Le malade a pris avec plaisir quelques cuillerées de crème de riz.

Nouvel accès de fièvre accompagné d’un froid glacial. J’essayais de le dissiper « Merci de vos soins, docteur ; c’est peine perdue ; les secours de l’art n’y peuvent rien, l’heure est sonnée, ma maladie est mortelle. Docteur Arnott, est-ce qu’on ne meurt pas de faiblesse ? comment se fait-il qu’on puisse vivre en mangeant si peu ? »

13. — Il se lève, se fait conduire à son fauteuil, prend la dose accoutumée de décoction de teinture de quinquina : à une heure et demie on le ramène vers son lit.