Page:Lassalle - Discours et pamphlets.djvu/155

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La situation juridique de la noblesse ne s’était pas modifiée juridiquement, noblesse et clergé formaient les deux états dominants, la bourgeoisie constituait la classe toujours mise à l’écart, toujours opprimée. Mais si, au point de vue juridique, rien n’était modifié, en fait, matériellement, le bouleversement des conditions n’en était que plus énorme.

Grâce à la création, à l’accumulation entre les mains de la bourgeoisie du capital, de la propriété mobilière en opposition avec la propriété foncière, la noblesse n’avait plus la moindre importance, elle était même tombée dans la véritable dépendance de cette bourgeoisie enrichie. Il lui fallait déjà, si elle voulait marcher de pair avec elle, devenir infidèle à tous ses principes de classe et commencer à employer les mêmes moyens qui permettaient les gains industriels, auxquels la bourgeoisie devait sa richesse et sa véritable force.

Déjà les comédies de Molière, qui vivait au siècle de Louis XIV, montrent — et c’est un phénomène très intéressant — la noblesse d’alors méprisant la bourgeoisie riche, mais devenant en même temps son parasite.

Louis XIV lui-même, ce roi si fier, dans son château de Versailles, tire déjà son chapeau devant le juif Samuel Bernard, le Rothschild d’alors, et s’humilie devant lui pour le rendre favorable à un emprunt.

Quand Law, le célèbre financier écossais, forma, en France, au commencement du XVIIIe siècle, les compagnies commerciales, sociétés fondées par actions, constituées pour exploiter les rives du Mississipi, de la Louisiane, des Indes, — le Régent de France lui-même fut un de leurs directeurs, fut membre d’une société de mar-