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Ainsi donc, un cens était établi, une certaine propriété bourgeoise devenait la condition sans laquelle on ne pouvait prétendre agir sur la volonté publique, déterminer le but que devait poursuivre l’Etat, puisque sans elle on ne jouissait pas du droit de suffrage, — ce premier de tous les droits politiques et le plus important de tous.

Tous ceux donc qui ne payaient pas d’impôts directs, ou qui en payaient qui n’atteignaient pas ce montant, tous les salariés étaient dépouillés de toute autorité dans l’Etat et devenaient une masse soumise. La propriété bourgeoise, la propriété du capital était la condition qui permettait d’exercer une autorité dans l’Etat, comme au moyen-âge — la propriété féodale, la propriété foncière.

Le principe du cens, sauf pendant une très courte période, sous la république de 1793, dont les tendances confuses et l’état des circonstances amenèrent la ruine et sur laquelle d’ailleurs je ne puis davantage insister ici, — le principe du cens devint le principe directeur de toutes les Constitutions issues de la Révolution française.

Il le devint, mais entraîna en même temps cette conséquence, qui est propre à tous les principes : il dut se développer bientôt et acquérir une tout autre extension quantitative.

Dans la Constitution de 1814, la Charte octroyée par Louis XVIII fixe comme condition du droit de suffrage un impôt direct de 300 francs, c’est-à-dire de 80 thalers, au lieu d’un montant correspondant à trois journées de travail. La révolution de juillet 1830 éclate, et néanmoins la loi du 19 avril 1831 exige un impôt direct de 200 francs, c’est-à-dire de 54 thalers environ comme condition du droit de suffrage.