Page:Lassalle - Discours et pamphlets.djvu/225

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capitaux gigantesques qu’elles exigent et cherchez comment vous pourrez jamais vous ménager la possibilité d’exploiter la grande industrie à votre propre compte ?

Et certes, rien de plus sûr, rien de mieux établi : vous n’atteindrez jamais ce résultat si vous restez uniquement, exclusivement réduits aux efforts isolés dont vous êtes capables comme individus.

Aussi est-il du devoir de l’État de vous permettre de remplir cette tâche. Il se doit à lui-même de prendre en main la grande cause de l’association libre et individuelle de la classe ouvrière ; il lui faut l’accélérer, la développer, se faire une obligation sainte de vous offrir les moyens et de vous fournir la possibilité de vous organiser et de vous associer vous-mêmes.

Et ne vous laissez pas égarer, ne vous laissez pas tromper par les cris que soulèvera ma proposition. On vous dira qu’une semblable intervention de l’État anéantirait le self-help dans la société.

Il n’est pas vrai de prétendre que j’empêche quelqu’un de faire l’ascension d’une tour par ses propres forces, si je lui fournis pour le faire l’échelle et la corde. Il n’est pas vrai que l’État empêche la jeunesse de s’instruire par ses propres forces, en lui offrant des maîtres, des écoles, des bibliothèques. Il n’est pas vrai que j’empêche quelqu’un de labourer son champ par ses propres forces, si je lui donne une charrue. Il n’est pas vrai que j’empêche quelqu’un de battre par ses propres forces une armée ennemie, si je lui mets une arme entre les mains.

Et bien qu’il soit vrai qu’un certain jour quelqu’un ait pu gravir une tour sans échelle et sans corde, que des individus isolés se soient instruits sans maîtres,