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LA MORALE DE NIETZSCHE

nullité militaire, les captivités, les dispersions menaçaient sans cesse leur existence nationale, qu’en se serrant le plus fortement possible autour de leur dieu pour suppléer à la caducité du lien politique. L’idée du royaume de Dieu (au sens charnel) est juive. C’est l’expédient grandiose qui, en sauvant ce peuple de l’anéantissement, lui révéla sa vocation propre, lui imprima son caractère.

Sur les monuments allemands qui commémorent la guerre de 1870 on lit : « Gott war mit uns. » Dieu fut avec nous. En France on a parlé trop de l’écrasement du « Droit » par la « Force » ; on s’est exalté à des principes d’où, il résulterait que nos ennemis ont été bien malheureux et presque bas de vaincre. Ces formules se valent. Les armées, les tactiques, les politiques ne se valaient pas. La nature ne connaît que vainqueurs et vaincus, forts et faibles, organisés et désorganisés. Ces derniers en appellent à la Surnature, à la « Justice ». Ne l’auraient-ils pas inventée à leur usage ?

En tout cas, on ne saurait sérieusement continuer de répandre que la doctrine de Nietzsche soit malsaine. Son goût pour la morale des puissants c’est tout simplement son antipathie pour la duplicité.