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LA MORALE DE NIETZSCHE

joigne à une extrême capacité de jouir et de souffrir des facultés de réaction débiles ! Qu’avec une sensibilité et des instincts surexcités par les raffinements de l’imagination et de la civilisation ses centres organiques, faibles ou lésés, lui refusent l’énergie, les plaisirs de l’industrie, du combat ! Voilà un être voué à l’accablement et à qui l’impartialité intellectuelle sera bien difficile. Il voit la nature et la vie sombres et cruelles. Qui accusera-t-il ? Son propre ulcère qui leur donne cette couleur, ou la méchanceté du démiurge ?

Cette infortune de naissance peut être la caractéristique de races entières, soumises à un climat qui les laisse languissantes. Il est probable qu’elle l’est ; les conditions de toute réussite sont complexes, donc rares. Le climat propice au développement d’une certaine perfection totale du type humain n’existe sans doute que sur peu de points du globe.

Dans des races d’élite, il peut se produire, après des siècles de domination, épuisement, décadence.

Enfin des êtres sains, mais brusquement placés par les hasards des destinées individuelles ou par les mouvements de l’histoire dans une condition très loin de celle à laquelle leur naissance les adaptait, sont exposés par ce désaccord à de profondes et constantes blessures qui équivalent, pour