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LES IDÉES DE NIETZSCHE SUR LA MUSIQUE


l’édifice symphonique sont conçus en harmonie consonnante et contiennent l’affirmation tonale la plus énergique ou tout au moins la plus nette. L’ambiguité ou l’indétermination tonale d’une de ces formes maîtresses qui sont dans la symphonie ce que le squelette est dans le corps eût paru à Beethoven une monstruosité esthétique. Exclue donc de l’Idée, la dissonance triomphe dans le développement de l’Idée, dans l’épisode, dans tous les modes du jeu musical dont la liberté (l’idée mère puissamment établie) peut s’élancer et s’épanouir infiniment. Ainsi s’explique la magnifique pesanteur de la symphonie beethovenienne, la sécurité qui ne cesse de soutenir ses plus audacieux élans, ses plus tumultueuses fantaisies ; il semble que les fondements de l’édifice sonore descendent plus profond à mesure que ses cimes s’élèvent et que ses ornements aériens se raffinent. Les prestiges subtils de l’harmonie dissonante ne donnent que plus d’éclat au triomphe souverain de sa noble ennemie, luttant à découvert.