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LES IDÉES DE NIETZSCHE SUR LA MUSIQUE


L’homme cesse d’être individuel ; voilà ce qu’exprime la symbolique visible, le langage des gestes ; le satyre [de l’ancienne tragédie grecque] parle comme être de nature parmi des êtres de nature, et cela par le moyen de la danse qui est le langage des gestes au degré supérieur. Mais par le chant il énonce les pensées les plus intimes de la nature : ce n’est pas seulement le génie de l’espèce, comme dans le geste, mais le génie de l’existence en soi, la volonté qui, sans intermédiaire, se rend intelligible ici. Par le geste donc l’homme demeure dans les limites de l’espèce et par conséquent du monde de l’apparence ; mais par le chant, il dissout pour ainsi dire le monde de l’apparence dans l’unité originaire dont il a conscience, le monde de Maïa s’évanouit devant sa magie[1].


Nietzsche nous fait remarquer que ces diverses formes de l’expression esthétique se trouvent déjà réunies dans la simple émission d’un mot ou d’une phrase. Le mot est attaché à un concept. La bouche dessine certains mouvements pour le prononcer. Il est émis plus ou moins fortement, avec une certaine intonation, et sur un certain rythme. La vertu significative du mot ne

  1. T. IX, p. 96.