d’acquérir quelque sagesse au prix de défaites
et de cuissons personnelles ? En tout cas, l’histoire
de son esprit et de sa personnalité intime
ne devrait pas le fasciner au point qu’on se
demande s’il est attaché aux vérités dont il
croit s’être rendu maître, comme vérités, ou
comme épisodes d’une destinée intellectuelle
tragique. Et c’est sur un ton à suggérer toujours
ce doute que parle, pour dire souvent des choses
précieuses, Zarathustra. Or on ne discerne pas
dans l’évolution philosophique de Nietzsche
d’autre tragédie que celle précisément d’avoir
été imaginée par lui comme tragique. Et il y a
là, pour ainsi dire, un coefficient d’hallucination.
La hantise de sa propre individualité n’asservit
pas, ne fausse pas l’intelligence de Nietzsche
(en quoi il s’oppose radicalement à Rousseau
et aux romantiques), mais elle mêle parfois
à l’expression de ses idées les plus justes une
crispation qui en altère certainement la vérité.
Veritas in dicto, non in re, a dit Hobbes. C’est
excessif. Mais la façon de dire peut ôter bien de
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LES IDÉES DE NIETZSCHE SUR LA MUSIQUE