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LES IDÉES DE NIETZSCHE SUR LA MUSIQUE


charme et la beauté. Ce n’est pas précisément démentir cette assertion, mais plutôt la tempérer justement, que de reconnaître à Wagner, comme il le fait maintenant, une naïveté acquise et tardive. C’est le lot, ajoute Nietzsche, de tous les artistes modernes, que la complexité et le tumulte tyrannique des impressions et des notions de la vie moderne disputent trop longtemps et de trop de manières à l’ingénuité de la sensation et du sentiment, que le bruit de trop de voix empêche en quelque sorte d’écouter « leurs voix ». La théorie est exprimée avec force[1]. Nous ne la croyons point vraie. Ce manque de fraîcheur qui caractérise la plupart des créations de l’art du XIXe siècle, ce « fard » que Carlyle trouvait à presque toute la littérature européenne depuis Rousseau, tient bien à un défaut de naïveté. Ce défaut lui-même a, nous semble-t-il, une cause non extérieure, mais intérieure : l’obsession du moi, l’orgueil individualiste. De ce point de vue, nos griefs contre

  1. Richard Wagner in Bayreuth, p. 503.