Aller au contenu

Page:Lasserre - Les Idées de Nietzsche sur la musique, 1907.djvu/196

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
188
LES IDÉES DE NIETZSCHE SUR LA MUSIQUE


avec une intelligence étroite, les désirs tyranniques et sans frein d’une telle volonté eussent pu devenir fatals ; en tout cas, il était nécessaire qu’une issue vers le grand air se trouvât bientôt et qu’une atmosphère limpide, la lumière du soleil pénétrassent. Un puissant effort, que nous voyons perpétuellement condamné à ne pas réussir, rend méchant. L’échec peut quelquefois tenir aux circonstances, à l’immutabilité du destin, non pas au manque de force ; mais celui qui, malgré cet échec, ne peut renoncer à son effort, commence, pour ainsi dire, à souffrir d’un ulcère interne qui le rend irritable et injuste. Peut-être cherche-t-il dans les autres les causes de son insuccès ; et même il peut aller, dans une haine passionnée, jusqu’à traiter l’univers en coupable ; peut-être encore se jette-il, bravant tout, en des chemins détournés et tortueux ; ou exerce-t-il la violence ; c’est ainsi qu’il arrive que des natures bonnes tournent au farouche dans leur marche même vers le meilleur. Même parmi ceux qui ne poursuivaient que leur propre purification morale, cénobites et moines, il se trouve de ces natures devenues farouches, et malades jusqu’à la dernière fibre, de ces hommes minés et rongés par l’insuccès. Il y avait un esprit plein d’amour, surabondant en bonté et en douceur, tendrement persuasif, haïssant l’action violente et la destruction de soi-même et ne voulant voir de chaînes à personne : cet